Au plus loin du sol, au plus près du ciel -pv

La nuit l’enveloppait tout entier, coulait autour de lui comme si elle avait été liquide. Des milliers et des milliers de minuscules points brillants piquetaient le ciel sombre, tournaient avec frénésie, malmenés par un vent violent.

Il n’était pourtant pas si tard – à peine vingt trois heures – mais la période avancée de l’année faisait descendre le voile opaque de la nuit bien plus tôt que prévu.

Au sommet de la plus haute tour du château, au plus loin du sol, au plus près du ciel, se détachait nettement une silhouette pâle sur les ardoises sombres. Le vent le fouettait, ramenait ses cheveux noirs dans ses yeux. Le froid ambiant le piquetait, à travers son pull le plus chaud, sa cape serrée autour de lui et son écharpe méticuleusement enroulée autour de son cou.

Ce n’était certes pas là l’idée qu’il se faisait des conditions idéales de température, mais il fallait faire avec. Il était investi ce soir-là d’une mission importante, du moins assez à ses yeux charbon pour qu’il s’expose ainsi à l’hostilité de la nature hivernale.

La question qui découle de tout cela de manière on ne peut plus naturelle est : de quelle mission s’agit-il ? quelle est cette chose qui vaut la peine qu’on se retrouve à transgresser tous les ordres du crapaud rose et qu’on s’en sorte avec un rhume de trois jours en guise de cadeau ?

Il s’agit en fait de la chose la plus tordue qu’il ait été donné à faire à Nate Wakefield. Bon, en soi, cela n’a rien de tordu, comme vous n’allez pas tarder à le constater. C’est plutôt le fait que la mission en question incombe au plus indiscret, au plus anti-alcool, au plus à même de se faire prendre car son absence de la salle commune ne risque pas de passer inaperçue… j’ai nommé Nate Wakefield ! Qui, en effet, aurait eu la bêtise incommensurable de confier une tâche de cette envergure à Nate ?!

Bon, j’arrête de vous faire patauger dans le suspense, c’est mon jour de bonté. La solution à
tous ces problèmes est en fait on ne peut plus simple ! Voici la recette.

Ingrédients :
- deux jeunes hommes un peu étourdis
- un Rusard un peu pinté
- une caisse en bois pleine de bouteilles de Firewhisky
- une diversion
- de la chance
- une planque sûre

Prenez les ingrédients dans l’ordre, créez des enchaînements logiques entre eux et vous obtenez une esquisse de l’histoire. Voilà en gros comment Nate en était arrivé à se retrouver avec une caisse pleine de bouteilles de Firewhisky en haut de la tour d’astronomie dont le plancher contenait une trappe dissimulée sous le tapis déchiqueté par le vent. C’est là qu’il comptait déposer les bouteilles, à l’intention de ses amis les rouges et or (les raisons pour lesquelles une bande d’ados voudrait chaparder un stock de firewhisky sont assez explicites sans que j’aie besoin d’en faire une liste).

Mais ce qu’il n’avait pas prévu, c’est qu’il ne serait peut-être pas seul à traîner dans la tour d’astronomie.

Agenouillé devant la trappe, Nate se débattait avec cette dernière pour tenter de soulever le bois moisi par le temps et les caprices de la nature. D’origine moldue, il n’avait pas pleinement acquis le réflexe de sortir sa baguette en toute circonstance, ce qui expliquait le fait qu’il se massacre les mains déjà parcourues par un réseau palpitant de veines bleuâtres.

Et c’est ce moment là qu’avait choisi Eryn pour faire son apparition. Comme de par hasard.

Dans son champ de vision périphérique, Nate vit une silhouette sombre apparaître dans l’ouverture de la porte et faillit avoir un haut-le-corps. Je vous rassure tout de suite, n’allez pas croire qu’il avait peur de Rusard, des préfets ou des moines dont les rondes se multipliaient à vue d’œil. Une retenue, il en avait l’habitude (peut-être pas autant que Richards, mais assez pour en être blasé). Simplement, il ne s’attendait pas à ce que quelqu’un vienne contrecarrer ainsi ses plans, car croyez le ou non, toujours est-il que cette nuit-là, Nate Wakefield avait battu son record de discrétion – ou du moins, l’avait il cru jusque là.

Ce n’est que lorsque la personne parla, cependant, qu’il eut la certitude qu’il s’agissait d’un membre de la BI. Le ton en disait long. Cela dit, bien que la voix lui fût horriblement familière, il n’arrivait pas à coller un nom sur celle qui venait de faire irruption dans la tour. Il se releva d’un bond, tentant tant bien que mal de dissimuler la trappe aux yeux de l’intruse, car il tenait tout de même à cette planque dont peu de gens connaissaient l’existence. Voyant la baguette pointée sur lui, il regretta vite de ne pas avoir eu la présence d’esprit de s’armer de la sienne.

Cela dit, et contre toute attente, malgré sa position nettement incommode, un large sourire venait d’étirer ses zygomatiques. Car s’étant approché, il venait de reconnaître celle qui menaçait de le stupéfixer au moindre faux pas et, non, vous n’avez pas mal compris, ça le faisait sourire. Car la personne postée face à lui n’était autre qu’Eryn « j’ai un sale caractère » McFairth, la vert et argent qu’il avait pris un plaisir fou à faire tourner en bourrique quelques semaines auparavant. Et vous n’avez pas idée comme il était content de la voir.

« Ben alors, tu me dis pas même pas bonsoir ? Tes parents ne t’ont-ils pas appris la politesse ? Tu sais, cette chose qui rend les gens aimables. Non, tu dois pas savoir. »

Une fois de plus, son visage se fendit d’un sourire moqueur. Il avait retrouvé son assurance, qui avait au départ quelque peu tangué. Allez savoir pourquoi, le fait qu’il s’agisse d’Eryn le boostait tout particulièrement.

Regard en biais vers la caisse qu’Eryn venait de remarquer. Bouse de niffleur ! Nate ne tenait absolument pas à ce qu’elle découvre son contenu, mais il ne voyait pas comment faire dévier les pensées de la jeune fille. Au pire, il pouvait toujours prétendre que ce n’était pas à lui. Bien sûr, les probabilités qu’elle le croie étaient inférieures à 1% mais d’un côté, elle ne pouvait pas prouver le contraire.
La meilleure technique était de changer de sujet. Chose que Nate ne savait que trop bien faire.

« Dis moi, ça fait quoi d’être le petit chien d’Ombrage ? Elle vous donne des fizwizbiz, au moins ? »

Sourire moqueur.

« Puis comment ça se fait que tu sois seule ? Je croyais que les Serpentard mettaient un point d’honneur à traîner en groupe de façon à éviter de se faire démanteler par les méchants Gryffondor/Poufsouffle/Serdaigle ? T’as pas peur de te retrouver seule à seule avec le grand méchant Nate ? »

Il y a des jours comme ça, où il vaudrait mieux rester couché. Bizarrement, la dernière fois que la jeune fille avait éprouvé un tel sentiment, elle était tombée sur un certain Nate Wakefield qui lui avait par ailleurs causé quelques désagréments. Ce matin, elle s’était réveillée avec cette même impression, et elle ne s’était d’ailleurs pas trompée. Cela avait commencé avec ce devoir pour lequel elle avait perdu un après-midi entier et au final, elle l’avait stupidement oublié sur sa table de chevet, ce qui lui avait valut un ‘-5’ sur la note finale. Puis la première réunion de la brigade à laquelle elle était arrivée en retard à cause de plusieurs événements pour les moins désagréables, et où elle avait pu constater l’absence de son frère. Je pense donc qu’il est inutile de vous préciser que le fait de croiser le chemin de bigleux Gryffondorien ce jour-là ne l’avait surprise en aucun point. Voir même, il aurait été possible que Eryn éprouve de la déception si il ne s’était pas s’agit de Nate.

« Excuses-moi... Je n’avais pas imaginé qu’une personne aussi primitive que toi pratique ce genre de ce genre de politesse. »

Puis elle reprit, avec un sourire sarcastique, et un brin de moquerie dans la voix sans pour autant baisser sa garde.

« Bonsoir Wakefield. Comment vas-tu? »

Son regard pivota à nouveau vers la caisse, si déjà il s’agissait bien d’une caisse. Mais la pénombre qui enveloppée la tour était trop épaisse pour permettre à la vert et argent de pouvoir distinguer quoi que se soit.

« Tu me déçois. Mois qui pensais que finalement tu étais un minimum éduqué... La moindre des politesses serait déjà de répondre aux questions, non? Je te le redemandes... Qu’avais-tu l’intention de faire avec ça? Lança-elle en pointant momentanément ce qui semble être une caisse.
Mais bon, ce n’est qu’un début, donc je vais te montrer l’exemple... : Et bien, donner un coup de main à Ombrage en coinçant les élèves qui ont du mal avec le règlement peut comporter certains avantages. En ce moment même, j’hésite entre: te coller une dizaine d’heures de colle, une centaine de points en moins - même si j’imagine très bien que tu n’éprouveras aucun remord envers tes camarades- ou t’envoyer chez Ombrage... Voir les trois en même temps. »

Oui, quel dilemme. Bien que la vie des rouge et or ne l’intéresse pas vraiment, et encore moins celle de celui-là en particulier, elle s’était laissé dire que les heures de colle, c’était à la cuillère qu’il se les récoltait. Ainsi, lui en infliger une ne serait pas vraiment intelligent et surtout très inutile, c’était pour cela qu’elle s’était rabattu sur la solution ‘opération grande quantité’. Peut-être que de classer des dossiers durant tous ses moments libre jusqu’à la fin de l’année le calmerait. Enfin quitte à être efficace, autant rajouter une pointe de remord (ben oui, un Gryffondor ne peut pas être aussi insensible que ça) et copier quelques lignes chez la Grande Inquisitrice devrait lui faire le plus grand bien.

« Tu crois sérieusement que je ne peux pas me débrouiller seule? Et tu dois bien admettre que ça t’arranges assez... Je ne penses pas que les autres auraient hésité à te lancer un sort... Des plus douloureux. Elle marqua un temps d’arrêt, regardant sous tous les angles le jeune homme qui se tenait devant elle, comme si la demoiselle cherchait ce qui pouvait bien être terrifiant chez lui. Grand... Je ne peux pas dire le contraire... Méchant euuh... Si tu penses qu’une tête de bille qui trouve que de lancer des bombabouses est une activité hautement intellectuel... Alors oui tu fais très peur. »

Sincèrement, Nate jubilait d’avoir la chance d’enfer d’être tombé sur Eryn. Aurait-ce été quelqu’un d’autre, il n’aurait pas eu droit à autant de bavardages et surtout il n’aurait pas autant pris son pied. Je ne vous parle même pas du désastre que ç’aurait été s’il s’était agi de McFairth frère. Il y aurait eu un deuxième Dumby à coup sûr. Mais trêve de conditionnel, la chance avait tourné en sa faveur, et il trouvait la situation diablement amusante.

« C’est bon, tu es excusée. » répliqua-t-il avec un air théâtral, non dépourvu d’un soupçon d’ironie.

Pour tout vous dire, il avait été surpris qu’elle relève sa remarque. D’aucuns se seraient attendus, si non carrément à silence royal agrémenté d’un regard méprisant, à une pique quelconque se rapprochant plus ou moins de ‘parce que tu penses que tu mérites qu’on te salue ?’.
Aussi, il n’hésita pas à entrer dans ce jeu.

« Tu vois que ça rend aimable, la politesse, j’ai non seulement eu droit au ‘bonsoir’ mais également à un sourire. Tu progresse vite dis moi ! »

« Et pour répondre à ta question, j’irais mieux si tu baissais ce truc. Car franchement, si tu maîtrises la baguette aussi bien que le balai, j’ai sérieusement de quoi m’inquiéter. »

Nate avait été légèrement décontenancé par le fait qu’Eryn n’ait pas mordu à l’hameçon et n’ait pas oublié les bouteilles de firewhisky (dont elle ne savait pas (encore) qu’il s’agissait de bouteilles de Firewhisky). Aussi décida-t-il d’ignorer une deuxième fois sa question, d’une part pour jouer un peu avec ses nerfs, et d’autre part, vu la quantité de paroles qu’elle débitait, il pouvait se permettre de ‘zapper’ des parties de sa tirade.

« C’est sûr que ça doit être un énorme avantage que de pouvoir choisir entre me coller, me retirer des points et m’envoyer chez Ombrage, mais j’apprécierais si tu te dépêchais de trancher. Car bien que tu sois d’une charmante compagnie, j’ai pas tout mon temps. »

A sa dernière réplique, ses lèvres s’étirèrent en un énième sourire moqueur (pour un peu, ça deviendrait un tic, à force).

« Je dois en tirer que toi t’hésites à me lancer un sort ? Wow tu ne peux pas savoir à quel point ça me touche de bénéficier d’un traitement de faveur de la part d’Eryn McFairth ! »

« Tu vois que ça rend aimable, la politesse, j’ai non seulement eu droit au ‘bonsoir’ mais également à un sourire. Tu progresse vite dis moi ! »

Autant la Serpentard s’était donnée la peine de répondre à la première remarque, autant ce coup ci, elle se contenta d’un haussement de sourcil et accessoirement d’une moue réprobatrice.
Eryn sentait que décidément, ce matin, elle n’aurait jamais dut quitter son lit. Tant pis, il en payerait les frais. Et au lieu de baisser son ‘machin’ comme Nate lui avait conseillé, elle pointa alors sa baguette au niveau de la gorge du Gryffondor.

« Et bien... J’espère pour toi que tu as tord. »

Lança-t-elle avec un rapide haussement de sourcil. Puis accompagnant le geste à la parole, elle lâcha une formule et immédiatement un trait de lumière vert alla frapper l’écharpe du garçon, à quelques centimètres de son menton, rejetant le pan de laine qui pendant sur son torse, au dessus de son épaule. Eryn accueillit la réaction de Nate avec un sourire qui était loin de celui que pouvait lancer quelqu’un de bienveillant. Dans un premier temps, il devait certainement se réjouir que le jet de magie n’ait pas atteint une partie de son visage. Puis dans un deuxième temps, il devait sûrement se rendre compte malgré le noir total qui régnait, que son écharpe avait prit une étrange couleur vert et argent.

« Je trouve que les couleurs de Serpentard ne te vont pas si mal que ça. »

Baguette toujours en main, elle ne lâchait pas du regard un seule seconde, juste au cas où l’idée lui prendrait de s’armer lui aussi de sa baguette. Et puis... Pourquoi ne pas la lui confisquer du moins temporairement. Lancer un ‘accio’ comportait un léger risque, en effet, Eryn aurait dût baisser momentanément sa garde et ainsi, si Nate avait déjà plongé sa main dans sa poche... C’était foutu. Ainsi, elle préféra la méthode ‘traditionnelle.
La jeune fille s’avança, jusqu’à ce que seul quelques centimètres ne les séparent puis plongea sa mains dans la poche droite de la cape, sans lâcher des yeux ceux du jeune homme, la baguette à une distance plus que minime de son torse.( Me demande pas pourquoi, cette scène me fait penser quand Jack prend Elisabeth en otage au début de PDC 1 >_<).

« Tu permets? »

Heureusement, elle tomba du premier coup sur la baguette, qu’elle sortit de la poche pour la transférer dans la sienne, ce qui lui évita de faire une visite de toutes les poches (nan, nan... Je vous rappelles qu'on parle de Nate et Eryn là)

« Je t’emprunte ça, juste au cas ou... Et puis... Chacun son tour, non? » -Je pense qu’il est inutile de vous rappeler, que quelque semaine plus tôt, la belle s’était retrouvé désarmée devant le Gryffondor.-

Mission accomplie, elle recula de quelques pas, relâchant légèrement la défense maintenant qu’il n’avait plus aucun moyen magique sous la main, sans pour autant se séparer de sa baguette.

« Pour le moment, je ne peux pas te cacher que je penche plutôt pour la dernière solution... Mais ça irait beaucoup plus vite si tu te décidais à répondre à mes questions, Wakefield. »

Là, on pouvait sentir une pointe d’énervement dans la voix de la Serpentard. Il avait gagné, mais ce n’était peut-être pas une si bonne chose. Il était désarmée, avec une baguette pointée sur lui.

« Fais gaffe... Ca pourrait arriver beaucoup plus vite que tu ne le pense... Et puis se serait si regrettable que tu passes malencontreusement de l’autre côté des remparts. »

A ce moment là, il était assez impossible de savoir si la jeune fille faisait de l'ironie de mauvais goût ou bien si elle était sérieuse. Dans le second cas, je vous le dis tout de suite. Je n’aimerais pas me trouver à la place de Nate Wakefield.

Les Serpentards avaient beau jouer aux gros machos, ils avaient néanmoins une grande faiblesse : la susceptibilité. Tandis qu’un Serdaigle lambda aurait plutôt l’intelligence de rester stoïque face à de la provocation, un Vert et Argent quant à lui n’hésitera pas à montrer son mécontentement en répondant pique contre pique. Voire pire.
Et c’est précisément cela qui faisait que les Gryffondors comme Nate Wakefield adoraient s’en prendre aux prétendu nobles représentants de papi Salazar. Les provoquer, jouer avec leurs nerfs, les faire craquer… c’était toute une raison de vivre parfois.

Zoom sur la situation présente. Le Gryffondor a la géniale idée de se moquer des talents plus qu’inexistants de la Serpentard en matière de balais, résultat : il se retrouve avec une baguette pointée sur sa gorge.
Les provoquer, oui, mais à trop vouloir pousser, on risquait au final de se retrouver en plusieurs morceaux.
Sauf qu’il s’agit ici de Nate Wakefield et il en fallait bien plus pour ébranler Nate Wakefield. En très très gros, sa philosophie pourrait se résumer à la chanson la plus connue de la nouvelle étoile montante du pop anglais, mais si, vous savez le maigrelet en slim rouge avec ses super déhanchés qui chante qu’il est dans la merde, mais qu’il faut le prendre bien.
(et si vous voulez connaître tous les détails de la personnalité de Nate en pas gros, je vous l’expliquerai… pas ! Allez lire tous mes sujets bande de feignants !!)

Bref, voilà en gros la relax take it easy attitude made-in-Wakefield :

« Il serait peut-être plus intelligent de viser le cœur, non ? Pourquoi est-ce que tous les meurtriers les plus célèbres du cinéma le font, à ton avis ? »

Il n’est plus nécessaire de préciser que le monde moldu était LA référence par excellence de Nate Wakefield. Surtout quand il se trouvait face à des sorciers de pure souche qui n’avaient aucune idée de ce dont il parlait.
Mais bon, ce n’est pas le moment de déblatérer là-dessus. Car lorsqu’Eryn crut enfin bon de démontrer qu’elle savait faire deux trois trucs avec sa baguette, Nate réalisa qu’il avait eu tort de la sous-estimer : son écharpe venait de faire un demi-tour supplémentaire autour de son cou. Ce n’était rien, certes, mais encore un demi-tour plus un demi-tour plus un demi-tour, et il risquait fort de finir étranglé. Pas si bête qu’elle en avait l’air, finalement, la Serpentard.

Ce n’est que lorsqu’elle lui fit remarquer que le vert ne lui pas si mal que ça, que Nate réalisa que son écharpe avait changé de couleur. On ne lui en voudra pas, étant donné l’obscurité ambiante.
Le Gryffondor esquissa malgré lui un sourire moqueur (encore un !). Faire tout un cirque accompagné de menaces à peine voilées pour au final lui changer la couleur de son écharpe. On voyait bien qu’il avait affaire à une fille. Plus que ça même, on voyait bien qu’il avait affaire à Eryn McFairth.

« Manière subtile de me dire que j’aurais mieux fait d’être à Serpentard ? Serais-tu en train de me draguer Eryn McFairth ? » dit-il d’un ton chargé d’ironie. Que dirait McFairth frère ?

Distrait, il ne vit pas tout de suite la baguette d’Eryn s’approcher dangereusement de son torse, et la Serpentard avec. Et, avant même qu’il ait pu répondre quoi que ce soit à son « Tu permets ? » (ce qui aurait sans doute été quelque chose comme « Non, je permets pas, mais j’imagine que tu me laisses pas le choix »), la jeune fille plongea sa main libre dans la poche droite de Nate et en sortit sans aucun scrupule sa propre baguette magique !
Qu’est-ce qu’il était idiot de ne pas avoir mis sa main dans la poche !
Car évidemment qu’il aurait dû prévoir ce genre de manière venant d’une Serpentard. L’attaque est la meilleure défense, disait Napoléon. Et visiblement, Eryn était d’accord avec lui.

Légèrement désaxé, mais pas pour autant désarçonné (après tout, il avait bien tenu deux minutes sans baguette), Nate n’en laissa rien paraître. Il l’écouta sans broncher, affichant une expression non moins détendue que d’habitude.

Quand elle eut fini, les lèvres du Gryffondor s’incurvèrent en un rictus qui devait maintenant lui (Eryn) être familier. Il leva les deux mains en l’air en guise de capitulation.

« Vas-y, fais moi voler par-dessus les remparts, je suis prêt à vivre l’expérience la plus palpitante de ma vie. Allez, avec un peu de chance, ma cape virera au mauve ! »

C’était rassurant de savoir que sur un point au moins, ils étaient plus ou MOINS d’accord. Nate non plus ne trouvait pas ça amusant de mourir d’un coup. En fait, pour ne rien vous cacher, il ne trouvait pas ça amusant de mourir tout court. Mais bon, après, chacun ses trips.

« Vraiment ? Si ça te fait plaisir, je peux aussi ajouter massacreuse, tortionnaire, égorgeuse, sanguinaire… mais c’est vrai que sur ce plan là tu es loin derrière Richards. »

La tête qu’il avait fait en découvrant que son écharpe avait changé de couleur ? C’est vrai que c’était assez spécial. Et je sais que vous mourrez d’en savoir plus, ne dites pas le contraire. C’est un peu le genre d’expression qu’aurait Sam en mangeant un bout de tarte à la mélasse. Vous voyez pas ? Le genre d’expression qu’aurait Murthag en découvrant au réveil une photo de Nate Wakefield sur sa table de chevet ? Toujours pas ? Un subtile mélange d’aversion, de répugnance, de presque indigestion (surtout dans le cas de Sam), et, en ce qui concerne Nate, de dérision.

Nate ne connaissait pas Eryn, mais le changement d’attitude et de ton de la jeune Serpentard suite à son sarcasme lui avait quand même sauté aux yeux, tellement c’était flagrant.

« On dirait que j’ai touché un point sensible… »

Le sourire satisfait de Nate ne resta pas longtemps, cependant, car à peine quelques secondes après, la Serpentard agita son bras d’un coup et explosa littéralement. Pour un peu, des étincelles rouges sortiraient du bout de sa baguette à nouveau pointée sur Nate. Eryn était une proie tellement facile, le Gryffondor en compatirait presque. Presque j’ai dit. Il n’avait pas encore fini de jouer avec elle.

Tout d’abord…
Tu vas redescendre sur Terre et me dire ce que tu t’apprêtais à faire

« Wow, je ne me doutais pas que tu possédais des qualités poétiques… une rime en mon honneur ? Je me sens flatté. Chacun son tour, comme tu dis... »

Ensuite…

« Tu crois vraiment obtenir une réponse satisfaisante en rabâchant cette question ? Bon, peut-être que je n’arriverai effectivement pas à te faire gober que je ne faisais que regarder les étoiles, mais il ne t’es pas venu à l’esprit que je pouvais te sortir n’importe quel prétexte un tant soit peu crédible ? Naïve, va. »

Puis…

« M’envoyer chez Ombrage ? Trop facile comme solution… surtout que tu ne pourras pas te vanter de m’avoir achevé toute seule (ce qui est un grand mérite, cela va sans dire)… et puis… tu ne sauras jamais dans quel but je suis venu ici, si tu fais ça. »

Du beau travail, en somme.

Evidemment que Nate était au courant pour l’amour fou qui existait entre Sam et Eryn. Impossible de l’ignorer lorsque vous passez plus de 20 heures sur 24 avec une personne qui ne jurait (au sens strict du terme) que par McFairth, quand ce n’était pas Merlin ou Nate. Et il va sans dire qu’il avait délibérément glissé le nom de Richards dans la conversation, histoire de lui faire péter les plombs – et il faut dire qu’il n’était pas si mauvais à ce jeu-là, Eryn y était presque parvenue.

Mais bon, avouons qu’une Eryn qui explose face à vous alors que vous n’avez que votre langue (bien pendue) pour vous défendre, ce n’était pas vraiment la représentation que Nate se faisait du paradis. Aussi prit-il la bonne résolution de se calmer un peu.

« Que ça ? Tu rigoles ? Y a plein de choses qui pourraient me faire plaisir. Je peux te faire une liste, si tu veux, au cas où tu sécherais quant à mon futur cadeau de Noël »

Il aurait volontiers fait cette liste sur le champ, mais malheureusement pour toi cher lecteur, il avait dans l’immédiat, des problèmes plus urgents à régler. A savoir entre autres l’issue de cette rencontre au sommet (Ombrage ? Pas Ombrage ?), et notamment l’avenir de la fameuse caisse en bois qui s’est fait quelque peu oublier depuis que toute l’attention s’est braquée sur le duel verbal Nate vs Eryn.

A sa question, il haussa les sourcils. Persuadé qu’Eryn avait saisi le but de sa manœuvre, son interrogation l’avait quelque peu surpris.

« J’aime bien faire mariner les gens. Surtout lorsqu’il s’agit de Serpentard qui mordent facilement à l’hameçon et se mettent en colère. »

Pour quelqu’un qui se fichait éperdument de ce qu’il comptait faire avec la caisse en bois, elle insistait quand même beaucoup. Contrairement aux apparences, Nate n’était pas dupe. Il n’avait pas l’intention de se faire avoir une deuxième fois. Il s’apprêtait à répliquer (en commençant par lui faire un topo sur les mille et un moyens de se vanter d’avoir massacré Nate Wakefield (dont plus de la moitié étaient inspirés du blabla quotidien de Sam Richards)), mais fut brusquement coupé par l’initiative pour le moins soudaine d’Eryn qui détourna sa baguette de Nate en direction de la fameuse caisse, et menaça d’y mettre le feu. Les yeux de Nate s’agrandirent d’horreur, et avant même qu’il sût ce qu’il faisait, il bondit sur Eryn et était sur le point de lui arracher la baguette des mains, quand le regard « un pas de plus et je le fais » de la brunette l’arrêta en plein élan.

« Si tu tiens à mourir ici dans d’atroces souffrances, tu peux. Mais j’aimerais autant que je ne sois pas de la partie. Je tiens à ma vie, moi. »

« Puis ça serait cool que tu me rendes ma baguette. Parce que douée comme tu es, si jamais tu mets le feu à cette caisse, il serait préférable que je puisse lancer mon sort préféré… aguamenti, ça te rappelle quelque chose ? »

Sourire en coin le retour.

Sans blague ?

Pour tout vous dire, Nate adorait cette réplique. Tellement passe partout, tellement banale, tellement frappante, tellement pratique en somme quand on était à court de répartie. Un jour il s’était amusé à faire une liste de réponses possibles à cette question (le fait qu’elle soit rhétorique était loin d’être un obstacle pour lui). Arrivé pendant un cours d’histoire de la magie, c’est un épisode assez comique de la vie du jeune Wakefield… mais je vous le raconterai un autre jour, si vous le voulez bien. Une, notamment, de ces réponses possibles lui avait traversé l’esprit : ‘sans blagues, on finit par se transformer en Eryn McFairth’ mais après réflexion, il se contenta du classique :

« Jte jure. »

Car oui, cette situation l’amusait au plus haut point, elle avait raison de le penser. Mais même Nate Wakefield avait des limites. Il faut dire que la perspective de mourir dans un gigantesque incendie en haut de la plus haute tour du château l’avait quelque peu désenthousiasmé. Surtout, mourir de la main de McFairth, cette honte.

On t’avait déjà dit que tu avais des tendances suicidaires ?

« Non, mais tu peux me le dire si ça te fait plaisir, je t’y autorise. »

Bon, assez plaisanté. Il était temps de passer aux choses sérieuses. Là, pour le coup, il ne voyait plus comment détourner l’attention d’Eryn des bouteilles de Firewhisky. Un point pour elle.
Mais il avait de la chance qu’il s’agisse d’Eryn. Un point pour lui.

« Ce que je voulais dire » reprit-il avec un soupir théâtral pour bien lui faire comprendre qu’elle n’avait rien pigé « c’est que si tu fais flamber cette caisse, il y aura un incendie d’une envergure telle qu’il TE réduira en cendres – et moi avec, et c’est bien là le problème, sinon tu penses bien que je t’aurais laissé faire… »

Sous le regard curieux de la Serpentard, il s’approcha de la caisse (‘adieu, toi’), et s’agenouilla devant. Suite à quoi il entreprit de lever les verrous, en prenant un malin plaisir à faire durer le suspense, mais surtout en réfléchissant à la tournure que prendraient les événements une fois que le contenu de la caisse était dévoilé. Quand enfin il lui devint impossible de traîner plus longtemps, il souleva le bois épais et, sortant lentement une bouteille de Firewhisky, la posa triomphalement sur la surface boisée, l’air de dire ‘surpriiiiiiiiiise’.

« Je te sers ? »

Politesse (et d’autres choses bien mystérieuses) oblige………

Là, pour une fois, la jeune fille devait bien admettre qu’il marquait des points. Il serait en effet assez compliquer de traîner Wakefield jusqu’au bureau d’Ombrage. Même s’il n’avait pas l’air de peser bien lourd, Eryn se voyait mal avec ses cinquante kilos à peine tout mouillés le tirer à travers tout le château. Un sortilège de lévitation aurait été le bienvenu et encore, elle n’était pas certaine d’avoir assez d’expérience pour que le sort ne se rompe pas en plein milieu des escaliers… Surtout si ce nigaud s’agitait dans tous les sens. Quoique, l’expérience pourrait être amusante, pour Eryn, j’entends. C’est ainsi qu’elle répondit, songeuse, images en tête :

« Oh, qui te dis de te traîner ? Moi je pensais plutôt à te faire léviter… A tes risques et périls bien sûr. »


La Serpentard ponctua sa phrase d’un petit sourire, mais pas celui auquel elle l’avait habitué, sadique et bourré d’ironie, non, on pourrait qualifier celui-ci de simplement amusé. Eh bien, à croire qu’il devait y avoir des fuites dans les bouteilles d’alcool et que l’odeur lui montait au cerveau.


« Tu sais, il n’est pas rare que je boive un verre dans le bureau d’Ombrage, avec le reste de la brigade… Evidement ça perd tout le charme d’un tête à tête, n’empêche que ce n’est pas si désagréable que ça, surtout si elle te considères bien. »

Il ne la laisserait pas s’en tirer si facilement ? Ben voyons, et comment comptait-il s’y prendre sans baguette ? C’est que ça à de l’humour un Gryffondor, c’est plein de prétentions aussi, mais la réflexion reste tout de même à désirer, surtout chez certain. Ca devait être l’altitude qui leur faisait perdre la tête, évidement, perchés toute la journée au sommet de cette tour…

« Ben tiens, serait-ce une menace ? Et comment penses-tu t’y prendre…sans baguette ? Tu vas me ligoter peut-être ? Exercice assez risqué puisque je te le rappel, tu n’as pas de baguette. »

Elle lui lança la réplique avec une lueur de défis tout en s’approchant de quelques pas, sans vraiment s’en rendre compte.

« Et bien je dois admettre que tu arrives à être supportable, mais au moins, avec Ombrage, il ne risque pas de m’arriver quelque chose toutes les cinq minutes. »

La jeune fille le regarda s’emparer d’une bouteille pour ensuite la déboucher avec la toute la technique et la facilité d’une personne qui a l’habitude de ce genre de boissons. Elle regarda, au début avec une sorte de réserve, la bouteille qui lui était offerte puis, s’en vraiment se rendre compte de ce que son geste signifierait par la suite, elle s’en empara en chuchotant un ‘merci’ à peine audible. Eryn considéra le liquide fumant qui s’en échappé, assez agréable par une soirée si fraîche d’ailleurs. Puis d’un geste agile, elle laissa tomber sa baguette au fond de sa poche pour prendre à la place celle du garçon. Elle la regarda un instant, la fit tourner entre ses doigts, puis la lança à Nate, sans vraiment le regarder.

« Je peux pas boire si j’ai les deux mains occupées… »

Se justifia-t-elle inutilement sur un ton assez sec, mais qui en disait assez long. Peut être qu’après tout, elle finirait par l’apprécier. Elle replia son bras libre sur celui qui tenait le récipient dans le vide, semblant attendre quelque chose. Préférant éviter une quelconque question de Nate, la jeune fille préféra anticiper... Pour une fois.

"Ben... C'est pas parce que j'ai envie de te détruire à chaque fois que je te croise qu'on peut pas trinquer."

Le Whisky pur feu était quand même une boisson merveilleuse. Non seulement elle vous propulsait sur Mars en faisant un détour par Uranus et Saturne, mais en plus la simple vue de ce liquide orange suffisait à adoucir Eryn. Qui l'eut cru ? Qui eut cru que le mélange (explosif) Wakefield + alcool + altitude la rendrait plus encline à converser, limite aimable même ? Voilà qu'elle lui décochait le premier vrai sourire de la soirée, accompagné d'une attrayante proposition à léviter à travers tout le château. Vraiment, ils faisaient des progrès.

Le Gryffondor choisit de ne pas relever. Et quand bien même il l'aurait voulu, il aurait eu beaucoup de mal à réaliser son souhait : Eryn enchaîna presque de suite sur les soirées beuverie privées de la Brigade. A croire que l'odeur de l'alcool la rendait plus bavarde, avec un peu de chance, après sa première gorgée, elle lui en apprendrait plus sur les plans secrets d'Ombrage ou les prochaines cibles de la BI. Intéressant. En plus d'être divertissante, la soirée s'annonçait constructive. D'ailleurs, pensa Nate, c'était une technique à généraliser. Saouler ses ennemis au lieu de les torturer était non seulement moralement correct, mais tellement moins prise de tête aussi, étant donné qu'il n'y aurait pas lieu de remuer le tohu-bohu peace-n-love, non à la violence, et compagnie... Et sans doute plus efficace aussi. Il était bien parti pour s'engager dans les Aurors le petit Wakefield...

Mais pour le moment, son esprit avait autre chose à faire que de se perdre dans ces profondes élucubrations sur l'avenir. Il regardait Eryn fondre, le whisky faisait apparemment son effet. Devait-il s'inquiéter pour le moment où elle aura bu sa première gorgée ? Sans doute. Mais s'il s'attardait sur ce genre de détails, Nate ne s'appellerait pas Nate et sa vie serait bien moins drôle. Alors il se laissait porter par le courant des choses sans se soucier des conséquences.

Et d'ailleurs, heureusement qu'Eryn était Eryn et qu'elle avait cette merveilleuse capacité de parler non stop. Car Nate n'aurait pas bien su quoi lui répondre. En effet, il n'avait pas de plan précis et il fallait admettre, un point pour la vert et argent, que sans baguette, il lui aurait été difficile de lui opposer une résistance solide. Bien sûr, il aurait mis quelque chose au point le moment venu, mais Eryn lui épargna cette peine. La voilà qui s'avançait vers lui, ce qui était en soi très engageant, mais quand en plus elle passa de "primitif et suicidaire" à "supportable", Nate ne put s'empêcher de coller un sourire sur ses lèvres. Le dégel. La coexistence pacifique. La détente, enfin.


Il faut parfois savoir apprécier le risque.

Il était rare d'entendre Nate Wakefield prononcer des phrases à valeur de maximes, mais celle-ci était à ses yeux chargée de sens. Le risque était toute une raison de vivre, et savoir l'apprécier prenait alors la tournure d'une véritable philosophie de vie. Qu'il partageait avec Sam Richards, et c'est peut-être pour cela que les deux arrivaient à se supporter en fin de compte. Philosophie de vie qu'il voulait partager avec Eryn, ne serait ce que l'espace d'une nuit.

Et puis, sans crier gare, elle lui balança sa baguette. Bien que surpris, Nate parvint à la rattrapper de justesse, les turbulences de sa jeunesse ayant eu pour avantage de développer ses réflexes. Il haussa un sourcil quant à la signification de ce geste. Simple négligence de sa part ? Ou cachait il un sens plus profond, comme par exemple une étincelle de confiance qui se serait allumée en Eryn ? Il n'empêche que c'était trop facile. Elle le laissait gagner sans la moindre résistance, elle abandonnait toute vigilance, elle venait de signer l'arrêt de sa position de supériorité... Et lui, que devait il faire ? Saisir l'occasion pour marquer un but ?

Les paroles d'Eryn mirent un terme au profond questionnement intérieur dont il était victime. Toute trace d'hésitation s'envola lorsque la main d'Eryn s'empara du verre qu'il lui tendait, la curiosité quant à la suite des événements l'emporta. Se servant un verre, il le brandit et s'exclama, sourire aux lèvres :

"D'accord, à la mienne alors !"

Quand même... s'il devait écoper d'une tentative d'assassinat chaque fois que leurs chemins se croisaient, c'était lui le prioritaire.


// sciences po ? késako ? //