So lonely... [Libre]

Un dimanche comme les autres à Poudlard, ou presque. Noël et le jour de l'an étaient passés, les vacances s'achevaient et bientôt, tous les élèves seraient de retour pour reprendre les cours pour une nouvelle saison. L'incendie des cuisines n'était pas tout à fait oublié, mais on n'en parlait qu'à mi-mots, avec ceux qu'on connaissait plutôt bien. Jo n'avait personne ici qu'elle eût pu classer dans la catégorie de ceux qu'on connait bien. Elle était là depuis plusieurs mois maintenant, et si elle avait discuté de temps à autre avec d'autres élèves de sa maison, elle ne pouvait décemment pas dire qu'elle s'était fait des amis. Il lui semblait qu'ici, c'était encore plus difficile qu'au Québec, et pourtant, elle avait eu du mal lors de sa première année en école de magie, comme elle était plus jeune et moins sûre d'elle. Et surtout moldue.

Aiyana lui manquait, mais même à Québec, elle ne l'aurait plus eue avec elle, aussi tâcha-t-elle de laisser ses regrets de côté. Ca ne servait à rien de ressasser le passé. Mais elle pourrait peut-être lui envoyer un hibou pour lui souhaiter la bonne année, histoire de prendre quelques nouvelles. Elle ignorait alors que la petite dame au goût douteux qui se disait envoyée du Ministère de la Magie leur interdirait prochainement l'accès à la volière. Et sur cette bonne résolution, elle descendit les quelques marches qui la séparaient encore du Hall d'Entrée.

Est-ce qu'elle croiserait quelqu'un ce matin ? Elle l'ignorait... D'ailleurs, elle n'avait manifestement pas prévu de rencontrer grand monde, car contrairement à son habitude, où elle ne quittait salle de bains et dortoirs qu'après avoir vérifié pour la énième fois sa tenue, s'être maquillée et coiffée avec le plus grand soin, ce jour-là, ses cheveux retombaient en mèches encore humide de sa douche autour de son visage, et elle ne portait qu'un simple débardeur blanc, une chemise à carreaux gris et blancs nouée sur son ventre, un jean blanc et ses tennis. Pas de bijou, pas la moindre trace de maquillage, décoiffée... Ceux qui la connaissaient se diraient sans doute que quelque chose ne va pas, mais ici, personne ne la connaissait vraiment, personne ne se poserait vraiment la question. C'était justement ce qui n'allait pas. Quand on est la cadette d'une famille de huit enfants, habituée à être entourée et choyée de tous, se retrouver loin de sa famille, de ses amis, ça n'était pas vraiment une partie de plaisir. Surtout quand malgré son entrain, on ne parvient pas à vraiment faire connaissance avec les autres.

La perle noire songea un instant à Domi, la serdaigle qui jouait au Quidditch avec qui elle avait discuté au bal de Noël avant que tout ne soit annulé à cause de l'incendie. C'était sans doute celle avec qui elle avait le plus discuté depuis son arrivée, mais elle doutait d'avoir encore l'occasion de converser avec elle. Domi semblait réservée, et elle avait un peu eu le sentiment de la brusquer, ce qu'elle pensait avoir vu confirmer par son départ précipité à l'annonce de l'incendie. A croire qu'elle attendait une excuse pour s'éclipser. Toute à ses réflexions, elle haussa les épaules. Qui sait ? Elle se faisait peut-être des idées ? De toute façon, elle n'en aurait sans doute jamais confirmation...

- On verra bien... souffla-t-elle pour elle-même, réalisant après coup qu'elle parlait toute seule.

Bah... Il n'y avait sans doute personne pour l'entendre, ça n'avait pas d'importance... A moins que ? Est-ce qu'elle était parano, ou elle avait entendu quelque chose ? Plantée au beau milieu du hall, Jo regarda autour d'elle, tentant de capter le moindre bruit. Est-ce qu'elle s'était fait des idées ?

Cela faisait bien une heure qu'Aléa était ainsi allongée sur son lit, méditant sur les choses de la vie, sa vie. Une nouvelle année venait à peine de commencer, il ne lui restait plus que six mois à passer à Poudlard, mais cela ne semblait avoir aucune incidence sur son comportement. Elle avait autre chose en tête. Et pendant ce moment qu'elle avait passé seule sur son lit, dans le silence, elle avait repensé à tout ce qui s'était passé durant ces vacances de Noël. Noël... C'était un Noël hors du commun qu'elle avait vécu, ç'en était presque décevant de savoir qu'elle avait attendu ce jour, ce fameux jour où l'esprit de Noël règne et où tout le monde ou presque se montre heureux d'offrir du bonheur sans compter. Elle était déçue de voir que ce jour était passé, et qu'il ne s'était absolument pas déroulé comme elle s'y attendait. Un Noël gâché, oui, c'était ça. Et par-dessus tout, pour elle, un Noël marqué par la frayeur. D'abord l'incendie, interrompant le bal avant même qu'il n'ait réellement commencé. Oui car selon elle, il n'aurait pas vraiment commencé avant que Tom n'arrive. Ensuite cette nuit aux dortoirs communs, nuit pendant laquelle elle n'avait pas trouvé le sommeil car elle ne cessait de se demander où pouvait bien être Tom. Vint ensuite cette fameuse expédition en solitaire dans les cachots, alors que les professeurs avaient formellement interdit d'y retourner avant qu'ils n'aient remis les lieux en état. A ce moment-là, elle se fichait éperdument de l'interdiction, ne pensant qu'à retrouver la trace de Tom, qui n'avait pas passé la nuit aux dortoirs communs. Par la suite, elle avait fini par le trouver, bien qu'elle fût sur le point de perdre tout espoir. Ce qu'elle avait craint par-dessus tout n'était heureusement pas arrivé; en tout cas pas à celui à qui elle pensait.

C'était effrayant. De savoir que si elle n'avait rien su, elle serait peut-être en train de plaisanter avec les autres, en disant des choses du genre "Dommage que Fairhead ne soit pas morte dans l'incendie", c'était effrayant. Et ce qu’il y avait de plus terrifiant, c’était de savoir que ça s’était réellement passé, alors que si elle l’avait dit elle ne l’aurait pas vraiment voulu. Bien sûr que non! Elle détestait Jade, mais pas au point de vouloir sa mort! Ça n’était pas de sa faute! Ça ne pouvait pas être de sa faute! Après tout, quel pouvoir avait-elle sur toutes ces choses qu’étaient la vie, la mort, et le destin? C’était complètement absurde de penser qu’elle ait eu quoique ce soit à voir avec la mort de Jade. Mais ça, si personne ne le lui disait, elle aurait du mal à s’en convaincre toute seule, elle se sentait beaucoup trop mal. Le fait était que personne ne le lui dirait, en tout cas pas tant que les autres ne savaient pas. Parce qu’elle était la seule à savoir. Elle était celle qui avait découvert que Jade Fairhead s’était transformée en fantôme avant même que la principale intéressée ne s’en rende compte. Et aucune des deux jeunes filles n’en avait parlé, si bien que c’était un peu leur secret. Si Aléa avait gardé cela pour elle, ce n’était certainement pas pour le plaisir d’avoir un secret avec Jade, elle faisait parfois des choses étranges, mais pas à ce point. La vérité, c’était qu’Ombrage les avait surprises, et qu’elle leur avait vivement conseillé de ne rien dire à personne. La Poufsouffle avait suivi son conseil, pas parce qu’elle lui faisait confiance et qu’elle était assez idiote pour avaler tout ce que le crapaud pouvait dire, mais plutôt parce que c’était beaucoup plus facile de garder le silence et de ne rien dire. C’est vrai, quoi. Quand on a le choix entre annoncer la mort de quelqu'un, et se taire, on a tendance à choisir la deuxième solution. Aléa Karma n’était pas réputée pour son courage. Quant à Jade, la probabilité qu’elle ait écouté les conseils d’Ombrage était encore plus faible que pour la Poufsouffle, mais si elle se taisait, c’était sans doute par peur de se montrer sous sa nouvelle apparence. Peur ou honte? Aucune idée. Ce qui était sûr, c’était que le nouveau fantôme prenait soin de se cacher des regards.

Finalement, cet épisode s’était terminé à l’infirmerie, où Aléa retrouva Tom, qui s’était en fait blessé sur le terrain de Quidditch. Et dire que s’il avait arrêté son entraînement en même temps qu’elle, rien de tout cela ne se serait passé! Peut-être même qu’elle serait à ce moment même dans les bras du jeune homme, insouciante, lui disant que tout serait mieux si Jade Fairhead avait péri dans l’incendie. Elle avait fini par se rendre compte que sa propre vie dépendait de tant d’autres évènements qui étaient hors de contrôle. Mais ce dont elle se rendait aussi compte, c’était à quel point sa vie tournait autour de Tom. Pendant le bal, elle attendait Tom. Au moment de monter aux dortoirs communs, alors qu’elle était censée s’occuper des élèves de sa maison, elle s’inquiétait pour Tom. Et la nuit, elle n’avait pas dormi, car elle pensait à Tom. Si elle se trouvait dans les cachots alors que les professeurs en avait expressément interdit l’accès, c’était pour retrouver Tom. Pourquoi? Comment avait-elle fait pour en arriver là? Les romantiques diraient certainement "ah! l'amour!"… Oui mais non. Ça n’expliquait pas son comportement. Elle avait failli à son devoir de préfète! Elle qui prenait ce rôle à cœur depuis sa cinquième année!

Aléa ouvrit les yeux, battant plusieurs fois les paupières pour être sûre d’être bien réveillée. Si elle commençait à remettre en doute sa relation avec Tom, il y avait vraiment un problème! Il fallait qu’elle bouge, qu’elle se lève, qu’elle aille faire un tour. Où, elle n’en avait absolument aucune idée, mais il fallait qu’elle se change les idées. Juste faire un tour, peut-être sans but précis, peut-être juste monter jusqu’au septième étage et redescendre. Oui, il fallait qu’elle sorte de sa salle commune.
La jeune fille se releva brusquement, remarqua à peine le sursaut des deux jeunes filles qui se trouvaient de l’autre côté du dortoir et qui croyaient qu’elle était endormie, et alla directement à la sortie. Prenant de grandes inspirations, elle progressa d’un pas calme mais déterminé, d’abord jusqu’à la sortie du cachot, puis arriva dans le hall. Il n’y avait pas grand monde, en fait il n’y avait qu’une personne. Plutôt étrange pour un dimanche matin, mais peu importait. La préfète s’arrêta quelques secondes, hésitant entre monter dans les étages ou sortir à l’air libre.

"On verra bien..."

L’attention de la jeune fille fut attirée par le murmure de l’autre personne. Elle ne devait peut-être pas se mêler de ce qui ne la regardait pas, d’autant plus qu’elle n’avait pas saisi ses propos, mais à priori il n’y avait personne d’autre à qui ils auraient pu être adressés. Pourtant, la jeune fille qui lui tournait le dos ne semblait pas avoir remarqué sa présence. Dans le doute, la préfète se racla la gorge. (pas comme Ombrage!! ^^)

"Hum hum"

Son interlocutrice perçut apparemment le bruit, puisqu’elle se retourna, ce qui permit à la jeune fille de découvrir son identité. Jocelyne Johnson était apparemment étonnée de la voir là.

"Excuse-moi, ce n‘était pas à moi que tu parlais?"

[Merciiiii !! ^^]

"Hum hum"

Ah oui, il y avait quelqu'un... Et ce quelqu'un n'était autre que la préfète de sa maison, Aléa Karma. Une des rares dont elle ait retenu le nom, à vrai dire... Jo resta un moment interdite, ne sachant trop quelle attitude prendre. D'autant qu'elle n'avait absolument pas prévu de croiser qui que ce soit, et que sa tenue laissait légèrement à désirer. Déjà, elle ne portait pas sa robe de sorcier, premier point. Et puis il était évident qu'elle avait attrapé des vêtements un peu en hâte, loin d'y apporter tout le soin qu'elle employait d'ordinaire à soigner son apparence. Pour se donner une contenance, elle passa une main dans ses cheveux pas tout à fait secs. Ils avaient poussé depuis la rentrée, il faudrait qu'elle se décide rapidement à savoir si elle voulait les couper. Parce que pour l'heure, ça ne ressemblait pas à grand chose. Ou alors elle les laisserait pousser ? Elle n'en savait trop rien en fait. Pour l'heure, la seule chose qu'elle savait, c'est qu'elle était face à sa préfète et qu'il allait falloir qu'elle se bouge un peu si elle ne voulait pas passer pour la potiche de service.

"Excuse-moi, ce n‘était pas à moi que tu parlais?"

Aléa, peut-être sans le vouloir, lui ouvrit la porte, et Jo esquissa un sourire avant de s'y engouffrer.

- Non... En fait, je parlais toute seule... Ca a l'air idiot comme ça, mais ça m'arrive souvent.

Elle tut le fait que la plupart du temps où d'aucun croyait qu'elle se parlait à elle-même, c'était quand elle s'adressait à son lapin, Flocon, ou aux oiseaux de sa volière, au Québec. Ou aux hiboux ici, quand elle avait encore accès à la volière dont Ombrage avait fait barricader l'entrée. Elle passait déjà pour quelqu'un d'étrange, pas la peine d'en rajouter. Bon et maintenant ? Si elle ne trouvait rien à ajouter, elle serait bien forcée de laisser Aléa partir. Sauf que là, maintenant, tout de suite, elle n'avait pas envie de se retrouver encore toute seule. Ca allait sans doute se voir qu'elle se raccrochait comme elle pouvait à la seule personne présente dans le hall à cet instant, mais tant pis, il fallait qu'elle trouve quelque chose pour discuter avec elle. Là, maintenant, tout de suite. Ou ce serait trop tard. Du coup, elle continua sur sa lancée.

- Je pensais à plein de choses, notamment à la soirée du bal de Noël... Si j'avais su, je serai rentrée au Québec pour le passer avec ma famille. Mes frères étaient très déçus que je ne vienne pas, mais j'étais trop curieuse de voir comment ça se passerait ici.

Elle fit une moue mi-boudeuse, mi-dégoûtée. Ca pour avoir vu, elle avait vu... Merci d'être venue...

- Et puis comme la seule personne avec qui j'aie eu l'occasion de parler à ce moment-là, c'est Domi... euh... Dominique Estary, des serdaigles, je me suis demandée ce qu'elle devenait depuis, comme je ne l'ai pas revue. Elle m'a l'air d'être très timide, mais gentille... Enfin... Bref...

Un geste désinvolte de la main et elle tenta de passer à autre chose. Après ce flot de paroles, ne restait plus qu'à prier pour que la préfète ne parte pas en courant... A vrai dire, Jo ne savait pas trop si elle devait la considérer comme quelqu'un de discret, ou d'asocial, vu qu'elle l'avait rarement vue accompagnée. En même temps, pour ce qu'elle faisait attention à ce genre de détail... D'ailleurs, ce n'est pas ce qui l'arrêta.

- Tiens, en parlant de Domi... Il y a une équipe de Quidditch pour notre maison ? J'aimerais bien en faire partie, s'il y a encore des postes libres... L'équipe de mon ancienne école affichait déjà complet, mais je crois que je me débrouille pas trop mal sur un balai. Toi aussi d'ailleurs, à ce que je me souviens du match avec les membres de l'équipe d'Ecosse...

Bavarde Jo ? Non, pas du tout... Pas du genre à sauter du coq à l'âne non plus... En trente secondes, elle était passée tout naturellement du bal de Noël au premier cours de vol en passant par la composition de l'équipe des Poufsouffles... A part ça, elle était tout à fait équilibrée, si, si ! Enfin, elle sembla quand même se rendre compte qu'il faudrait peut-être laisser la parole à Aléa aussi, de temps en temps, si bien que, même si elle était bien partie pour rembrayer sur un autre sujet, elle se tut, et attendit la réaction de sa préfète, ses yeux pairs plongés dans les prunelles sombres de la jeune femme.

"Non... En fait, je parlais toute seule... Ca a l'air idiot comme ça, mais ça m'arrive souvent."

La préfète adressa à sa collègue de maison un sourire mi-désolé, mi-amusé. Comme elle l’avait redouté, elle s’était mêlé de ce qui ne la regardait pas, et maintenant elle allait devoir partir en faisant comme s’il ne s’était rien passé. A priori, ça ne serait pas très difficile. Et puis, tout le monde pouvait se tromper dans de telles circonstances. Elle salua la jeune fille, et s’apprêta à partir quand celle-ci se mit à parler. S’était-elle remise à parler toute seule? Ou parlait-elle vraiment à Aléa cette fois? Euhm… Apparemment c’était à elle que s’adressait Jocelyne.

"Je pensais à plein de choses, notamment à la soirée du bal de Noël... Si j'avais su, je serai rentrée au Québec pour le passer avec ma famille. Mes frères étaient très déçus que je ne vienne pas, mais j'étais trop curieuse de voir comment ça se passerait ici."

Elle pensait au bal… Et dire que c’était pour ça qu’Aléa était sortie de son dortoir, pour ne plus penser au bal. M’enfin, c’était un évènement assez important pour être le sujet de conversation présent sur toutes les lèvres, alors à quoi bon le fuir?
Alors que la préfète écoutait ce que lui disait Jocelyne, celle-ci lui rappela qu’elle était québécoise et elle lui apprit également qu’elle n’était pas rentrée chez elle pour pouvoir assister au bal. Elle n’avait pas eu de chance, puisque celui-ci avait été un véritable fiasco. Que pouvait lui dire Aléa après cela? Qu’elle aurait dû venir un an plus tôt? Parce que d’habitude les bals se déroulent beaucoup mieux? C’était idiot. Jocelyne savait sûrement déjà cela, puisque si le bal de Noël étaient source de catastrophes tous les ans, il était évident qu’il aurait été annulé. Ou alors.. Elle pouvait lui dire d’espérer que le bal de l’année d’après se déroule mieux, mais là encore, ce serait inutile. D’abord parce qu’Aléa n’en savait rien, et puis Jocelyne devait s’en douter un peu… Enfin bref.
Alors que la préfète cherchait toujours quoi répondre, la québécoise continua.

"Et puis comme la seule personne avec qui j'aie eu l'occasion de parler à ce moment-là, c'est Domi... euh... Dominique Estary, des serdaigles, je me suis demandée ce qu'elle devenait depuis, comme je ne l'ai pas revue. Elle m'a l'air d'être très timide, mais gentille... Enfin... Bref..."

Dominique Estary, oui, elle voyait qui c’était. Septième année, Serdaigle, capitaine de l’équipe de quidditch à plein temps, et adversaire d’Aléa, à l’occasion. Elle n’en savait pas beaucoup plus, si ce n’était que la serdaigle était plutôt réservée… Timide mais gentille, oui voilà, c’était exactement ça. A ce moment-là, Jocelyne s’arrêta de parler, si bien qu’Aléa pensa que c’était à elle de répondre. Mais elle n’avait pas grand-chose à dire de plus.

"Ou..."

Elle n’eut même pas le temps de dire ‘Oui’ que Jocelyne reprit son monologue, arrachant un sourire à la préfète. Les deux jeunes filles n’avaient pas vraiment eu l’occasion de discuter depuis le début de l’année, et Aléa ne savait pas qu’elle parlait autant.. Il fallait avouer qu’elle ne le laissait pas vraiment paraître.

*C’est bien une Poufsouffle*

"Tiens, en parlant de Domi... Il y a une équipe de Quidditch pour notre maison ? J'aimerais bien en faire partie, s'il y a encore des postes libres... L'équipe de mon ancienne école affichait déjà complet, mais je crois que je me débrouille pas trop mal sur un balai. Toi aussi d'ailleurs, à ce que je me souviens du match avec les membres de l'équipe d'Ecosse..."

Voilà maintenant qu’elle parlait de Quidditch. A vrai dire, ça n’était pas pour déplaire à Aléa, qui préférait largement ce sujet-là aux précédents. L’équipe de Quidditch des Poufsouffles avait eu du mal à se constituer, si bien que la capitaine avait décidé de démissionner. Son successeur devait bientôt être nommé par les professeurs - ou Dumbledore lui-même s’il en avait le temps -, et tout ce qui concernait le quidditch avait été mis en stand by pour les blaireaux, au grand regret de certains comme Aléa, ou Tom. Tiens, voilà qu’elle repensait à lui…

"Merci. Tu as raison, tu te débrouilles vraiment bien. Je pense qu‘il n‘y aura pas de problèmes à ce que tu sois prise dans l‘équipe. Peut-être même que ce sera toi, la nouvelle capitaine. Après tout, Eileen a eu l‘occasion de voir de quoi tu était capable, et je pense que son avis est important dans le choix du nouveau capitaine. Et puis, même si tu n‘es pas capitaine, il y aura certainement de nouvelles sélections, et tu as toutes les chances de les réussir."

Ça faisait plaisir de pouvoir discuter de choses aussi légères que le quidditch, Aléa se sentait beaucoup mieux, et avait retrouvé le sourire.
Se rappelant qu’elles étaient toutes les deux, seules, au beau milieu du grand hall, la jeune fille proposa qu’elles se déplacent.

"Et dis-moi, pendant que tu discutais avec toi-même, tu allais où?"

Cette remarque n’avait rien d’une moquerie, ou du moins si ça en avait l’air, ça n’était pas volontaire. C’était tout simplement amusant de penser à la conversation que Jocelyne tenait avec son ‘moi intérieur’, mais ça arrivait à tout le monde. Même à Aléa.

"ça te dérange qu’on aille ailleurs? Parce que là, on est un peu.. Comment dire… on est un peu au milieu d’un hall vide, et… "

Les yeux de la préfète se posèrent sur les quatre sabliers dont le contenu représentait le nombre de points de chaque maison. Comme d’habitude, celui des Poufsouffles était le moins rempli.
"…et j’en ai marre de ces sabliers."

La jeune fille tourna les yeux vers son interlocutrice, histoire de voir sa réaction face à ses dernières paroles, puis pouffa de rire. Décidément, ça faisait plaisir d’avoir une conversation ‘normale’.

Bon déjà, Aléa ne semblait pas trop mal prendre le fait d'être alpaguée sans avoir rien demandé. Ouf, au moins Jo n'aurait pas à s'excuser platement de son côté pipelette. Manifestement, le Quidditch était le sujet qui plaisait le plus à la préfète, comme c'est là qu'elle répondit en premier.

"Merci. Tu as raison, tu te débrouilles vraiment bien. Je pense qu'l n'y aura pas de problème à ce que tu sois prise dans l‘équipe. Peut-être même que ce sera toi, la nouvelle capitaine. Après tout, Eileen a eu l'occasion de voir de quoi tu étais capable, et je pense que son avis est important dans le choix du nouveau capitaine. Et puis, même si tu n'es pas capitaine, il y aura certainement de nouvelles sélections, et tu as toutes les chances de les réussir."

Un sourire éclaira le visage de la québecoise. Un avis positif, l'espoir de faire partie de l'équipe, ça avait de quoi lui remonter un peu le moral. Elle ne ressemblait pas à grand chose aujourd'hui, mais au moins, ça lui réchauffait un peu le coeur de savoir qu'il y avait au moins une personne qui considérait qu'elle n'était pas trop mauvaise au Quidditch, voire deux si l'autre Poufsouffle disait vrai.

- J'espère qu'elle pense comme toi, la prof de vol, ça serait la première fois que je pourrai faire partie de l'équipe...

Une lueur d'espoir éclaira son regard coloré, et son sourire s'élargit un peu plus. Elle s'imaginait au coeur du stade pendant un match. Pas très poli de rester les yeux dans le vague en plein milieu d'une conversation avec quelqu'un, mais en l'occurrence, elle se rendait à peine compte que sa concentration avait autant dévié. La voix d'Aléa la ramena cependant à la réalité comme le public en liesse, les commentaires concernant le match et sa propre silhouette, souaffle en main, s'effaçaient de son esprit.

"Et dis-moi, pendant que tu discutais avec toi-même, tu allais où?"

- Ah !...

Les mains toujours au fond de ses poches, Jo haussa les épaules, son sourire se muant en rictus quelque peu embarrassé.

- En fait, j'en sais trop rien. A la volière, manger un bout, autour du lac... N'importe... Je voulais juste pas rester dans les dortoirs où il ne me reste plus grand chose... Enfin, j'ai réussi à faire réapparaître une partie de mes effets personnels, mais la moitié de mes créations sont encore à refaire, alors ça me déprimait un peu...

"Ca te dérange qu’on aille ailleurs ? Parce que là, on est un peu... Comment dire… on est un peu au milieu d’un hall vide, et… et j’en ai marre de ces sabliers."

Jocelyne suivit le regard d'Aléa, riant à son tour à sa dernière remarque. Pourtant il n'y avait pas de quoi rire, vu que leur maison se trouvait loin derrière les autres. Cependant, après tout ce qu'il s'était produit, que la maison au blaireau soit la dernière du lot ne lui faisait plus grand chose. Elle avait passé un Noël pourri, elle avait perdu ses affaires, alors ça ou autre chose... Son rire se tut rapidement comme elle pensait à la montagne de vêtements et de croquis qu'elle avait perdue.

- C'est vrai qu'ils sont déprimants, et j'ai pas besoin de ça en ce moment non plus... Tu comptais aller où, toi ?

"Oui, c’est vrai que l’incendie a fait beaucoup de ravages dans notre cachot… Hum… Tes créations? Tu dessines?"

Un sourire légèrement embarrassé étira les lèvres de la québecoise. En tant normal, elle aurait pu répondre : "Oui, tu vois, ce que je porte, c'est moi qui l'ai créé". Mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, les seuls détails qui attestaient de ses travaux, c'étaient les quelques strass en forme d'aile qui ornaient sa cuisse droite. Que pouvait-elle répondre ?

- Oui... Un peu... Enfin je crois que je suis maudite et que ça n'aboutira jamais à rien à force, mais j'essaie de créer des vêtements...

Ca ne servait à rien d'ajouter qu'en temps normal, ce qu'elle portait, elle l'avait créé. En temps normal, elle portait sa robe de sorcière par-dessus, et personne ne les voyait. Est-ce qu'elle oserait lui montrer les croquis qui lui restaient ? Mmmh... Peut-être pas de suite... Elle avait déjà suffisamment l'air d'une extra-terrestre avec sa peau sombre et ses yeux colorés. Aléa semblait songeuse, et un peu embarassée à son tour. Elle regardait sur le côté, comme si elle n'osait plus croiser le regard de qui que ce soit. Peur d'elle ? C'était absurde ? Bon d'accord, elle était grande, ça pouvait en imposer un peu, mais tout de même ! Elle n'avait jamais fait de mal à une mouche, c'était pas aujourd'hui que ça commencerait...

"Moi? Oh, euh… Je n‘allais nulle part en particulier… Je suis comme toi, je ne voulais pas rester dans mon dortoir, parce que… Parce que j‘avais besoin d‘air."

- Ah toi aussi !

Un instant, le silence plana entre les deux jeunes filles. Un silence gênant, comme ni l'une ni l'autre n'osait avouer tout ce qu'elles avaient sur le coeur, mais comme chacune avait bien des choses en tête. Heureusement, Aléa rompit ce silence pesant.

"Avec le temps qu‘il fait, j‘hésitais à sortir, mais peut-être que ça ne te dérange pas?"

- Oh tu sais, pour moi, ça, c'est rien... Chez moi, c'est bien pire. Moi je peux sortir comme ça, ça me dérange pas, mais tu aurais peut-être besoin d'un manteau toi... Attends...

Sa baguette quitta la poche arrière de son jean, et voleta un instant devant elle, jusqu'à ce qu'un manteau blanc immaculé, imitant la peau animale, rehaussé de fausse fourrure aux manches et au col, apparaisse devant elle. Sur la poitrine, une aile stylisée était composée des mêmes strass que ceux qui ornaient son jean.

- Euh... Voilà... C'est un des trucs que j'ai fait... Je te rassure, c'est bien chaud, tu craindras pas le vent avec ça.

Le manteau replié sur un bras tendu devant elle, elle attendit avec une pointe d'anxiété la réponse de sa préfète. Est-ce qu'elle allait lui rire au nez, comme la moitié des gens ? Bah... Ca changerait pas beaucoup de d'habitude... Mais en ce moment, elle n'était pas certaine d'être prête à endurer ça. Pourtant, d'habitude, ça lui passait largement au-dessus... D'habitude...

Ainsi, elle dessinait. Mieux, elle créait des vêtements. Cela faisait quatre mois qu’elles se croisaient presque tous les jours dans la salle commune, et Aléa ne le savait pas. Quelle bonne préfète elle faisait! Vraiment, bonjour le professionnalisme…Bah.. Elle pouvait toujours prétexter que Jocelyne était nouvelle et que quatre mois ne suffisaient pas toujours pour connaître quelqu’un. Et puis, préfète ne signifiait pas forcément assistante sociale. Si? D’accord, un peu. Mais même avec toute la volonté du monde, Aléa ne pouvait pas tout faire en même temps. Les cours, les devoirs, les réunions, les rondes, ça lui prenait déjà beaucoup de son temps. Elle n’avait pas le temps, en plus de tout cela, d’aller voir chaque élève de sa maison en tête à tête pour lui demander quel était son passe-temps favori, elle ne pouvait pas. C’était techniquement impossible. Et puis Tom ne l’aidait pas vraiment. Non, c’était injuste de dire ça. Il faisait très bien son travail de préfet. C’était juste qu’il n’était pas aussi passionné qu’Aléa. A la base, c’était elle qui l’avait convaincu de se présenter, et qui l’avait aidé à faire sa lettre de motivation. C’était une joie pour elle d’avoir son petit-ami à ses côtés en tant que préfet. Mais lui, ce qui l’intéressait, c’était le Quidditch. Toutes ces obligations de préfets, il les faisait parce qu’il fallait les faire, mais sans plus. Il faisait ses rondes, il venait aux réunions, et il rappelait à l’ordre ceux qui enfreignaient les règles. Que lui demander de plus? Aléa avait déjà tellement l’impression qu’il aurait préféré ne pas être préfet pour avoir plus de temps libre, et elle savait que c’était à cause d’elle. Elle n’osait pas lui demander de faire un effort. Ce serait déplacé de sa part. Alors elle prenait sur elle. Elle faisait de son mieux pour que tout se passe bien, et pour qu’il ait moins de travail en tant que préfet, et plus de temps libre pour le Quidditch. Son travail scolaire en prenait un coup, mais que voulez-vous? Quand on aime, on ne compte pas.

- Oh tu sais, pour moi, ça, c'est rien... Chez moi, c'est bien pire. Moi je peux sortir comme ça, ça me dérange pas, mais tu aurais peut-être besoin d'un manteau toi... Attends...

Chez elle? Ah oui, le Québec. C’était vrai qu’il faisait plus froid là-bas qu’à Poudlard. Plus froid, et moins beau aussi, peut-être. C’était fou les étrangers qui étaient arrivés cette année à Poudlard, c’était à se demander si les autres écoles étaient soudainement devenues moins bonnes. A moins que ce soit la popularité de Poudlard qui ait augmenté…

La jeune fille s’empara de sa baguette, et fit quelques mouvements avec celle-ci devant elle. C’est alors qu’un objet apparut. C’était…un vêtement. Plus précisément un manteau. Un magnifique manteau blanc, aussi blanc que la neige.

- Euh... Voilà... C'est un des trucs que j'ai fait... Je te rassure, c'est bien chaud, tu craindras pas le vent avec ça.

Ah? C’est ça qu’elle faisait? Et elle était assez désespérée pour penser que ça n’aboutirait à rien? La préfète avait les yeux écarquillés, la bouche entrouverte de stupeur. Elle s’empara délicatement du manteau, l’observant d’un peu plus près. Il y avait de la fourrure au bout des manches et au col, c’était doux, très agréable au toucher.

"C’est… c’est magnifique! Je savais pas que tu faisais des trucs comme ça!"

Aléa ne cessait d’observer le moindre détail du manteau. Elle n’avait pas pour habitude de s’intéresser à la mode, où aux vêtements en général. Elle ne s’intéressait même pas à ce que les autres pouvaient porter, à moins qu’on y attire son attention. Elle n’était pas du genre très observatrice à ce niveau-là… Et pourtant, ce logo qu’il y avait sur le devant du manteau, elle l’avait déjà vu quelque part… Mais où? Elle ne savait plus. Et elle n’avait pas envie de poser la question à la créatrice, au risque de la mettre mal à l’aise. La créatrice…Ah ben voilà! C’était de là que venaient tous ces vêtements qu’elle portait. Oui parce que si Aléa ne regardait pas les gens de bas en haut pour voir comment ils étaient habillés, elle se retrouvait souvent avec des gens qui le faisaient, et qui faisaient des remarques aussi. Alors, Aléa savait plus ou moins que la québécoise portait des vêtements que les autres ne connaissaient pas. Et elles en avaient fait tout un mystère. Où est-ce que Johnson trouve tous ces vêtements? Était-ce un créateur québécois qui n’était pas connu en Grande-Bretagne? Et bien maintenant, Aléa avait la réponse à cette question. Et la réponse était oui, et mieux: c’était Jocelyne elle-même.

La préfète lança un regard incertain à sa collègue de maison avant d’enfiler le manteau. Elle ne savait pas si elle était la mieux placée pour donner son avis, et pour porter un jugement sur le vêtement. Mais il était si agréable à porter! Elle adressa un sourire émerveillé à Jocelyne.

"Il est super! Merci beaucoup."

Elle observa le manteau pendant encore quelques secondes avant d’ajouter:

"Tu sais, je connais des personnes qui adoreraient porter tes créations!"

Toujours souriante, elle regardait maintenant la jeune fille d’un air satisfait. Puis, sentant qu’il y avait un malentendu dans l’air, elle précisa.

"Oh! Euh… ça ne veut pas dire que je n’aime pas! Mais euhm… comment dire… Je ne suis pas très portée sur tout ce qui est mode, vêtements, etc…"

Jo ignorait tout du cas de conscience qu'elle posait à Aléa. Oh, si elle avait été de mauvaise foi, elle l'aurait enfoncée, lui reprochant en effet de n'avoir jamais prêté la moindre attention à sa personne alors qu'elle était préfète, mais c'était loin de faire partie de la personnalité de la québecoise. Au contraire, elle était ravie que quelqu'un, aujourd'hui, lui parle. Ce qui s'était passé avant, et bien ça faisait partie du passé, tout simplement, et même si, demain, elle n'aurait peut-être pas l'occasion de converser de nouveau avec sa préfète, aujourd'hui, ça lui faisait un bien fou de pouvoir parler de tout et de rien, tout simplement.

Les yeux écarquillés de sa camarade quand elle lui tendit le manteau lui firent cependant craindre le pire. C'était quoi ? De l'émerveillement ou du dégoût ? Si elle était très douée pour comprendre les sentiments des animaux, Jo était nulle, mais alors archinulle en ce qui concernait les relations humaines. Aléa observait et manipulait le manteau avec une infinie précaution. C'était plutôt bon signe, non ? Elle l'espérait...

"C’est… c’est magnifique! Je savais pas que tu faisais des trucs comme ça!"

Une nouvelle fois, la main de la grande black vint gratter sa nuque et elle sourit à sa camarade, qui ne cessait de détailler le vêtement. Si les compliments lui faisaient extrêmement plaisir, elle n'avait jamais su comment y réagir. Si sa peau avait été plus pâle, on l'aurait sans doute vue rougir...

- Bah... Je fais ça depuis que je suis toute petite. J'ai commencé par tricoter des écharpes et des bonnets, et par rajouter des plumes ou des perles sur des vêtements tout faits quand j'avais 11 ans, et puis, petit à petit, j'ai appris à me débrouiller toute seule...

Aléa semblait hésitante, comme si elle n'osait pas enfiler le manteau. Pourtant, c'était bien pour ça qu'elle l'avait fait apparaître... Elle se décida finalement, et un sourire ravi vint éclairer son visage une fois que le vêtement fut bien en place sur ses épaules.

"Il est super ! Merci beaucoup. Tu sais, je connais des personnes qui adoreraient porter tes créations !"

Le visage de Jo rendit à Aléa son sourire. Si ce qu'elle disait était vrai, elle avait peut-être une chance de réussir dans la mode, à défaut de pouvoir s'occuper d'animaux...

- Tu crois que des gens voudraient les acheter ? Ah... J'espère que ça arrivera vraiment...

Elle s'approcha un peu plus d'Aléa et tenta d'ajuster les épaules et les manches d'un air critique.

- Il faudrait rajuster un peu les manches et la longueur pour qu'il t'aille parfaitement, par contre... Je suis vraiment trop grande, quand je fais quelque chose à ma taille, c'est trois fois trop pour tout le monde...

Elle en était encore à s'interroger sur les meilleurs reprises à faire au vêtement pour qu'il aille parfaitement à sa préfète quand celle-ci se reprit, comme si elle avait commis une erreur, et il fallut plusieurs minutes à la "créatrice" pour comprendre d'où venait cet empressement.

"Oh! Euh… ça ne veut pas dire que je n’aime pas! Mais euhm… comment dire… Je ne suis pas très portée sur tout ce qui est mode, vêtements, etc…"

- On a tous des choses qu'on aime plus que d'autres... Moi c'est la mode et les animaux. Et le Quidditch aussi. T'as le droit de pas être fan de fringues, hein, c'est pas un crime !

Elle réutilisa alors sa baguette pour resserrer légèrement les épaules du manteau, raccourcir un tout petit peu les manches et la longueur du manteau afin qu'il tombe parfaitement bien, puis fit le tour d'Aléa pour vérifier son oeuvre avant de lui faire de nouveau face, l'air radieux.

- Comme ça, c'est parfait ! Et toi, qu'est-ce que tu aimes alors ? Tu veux qu'on aille faire un tour autour du lac, à la volière, ou... ou j'en sais rien... Par où tu veux qu'on aille ?

Et sur ces bonnes paroles, elle ouvrit les portes donnant sur l'extérieur, invitant l'autre Poufsouffle à passer devant...

Aléa écouta d’un air intéressé ce que lui disait Jocelyne. Comment elle avait commencé par des écharpes et des bonnets, puis comment elle avait customisé les vêtements qu’elle achetait. C’était fascinant de savoir qu’à cet âge-là, déjà, on pouvait avoir de telles idées. Non seulement la préfète regrettait de ne pas avoir posé ces questions à la jeune fille plus tôt parce qu’elle était, justement, la préfète, mais elle le regrettait aussi parce que c’était très intéressant à savoir. Elle se rendait compte qu’il y avait des gens dont les passions naissaient très tôt, et que ces passions pouvaient être complètement différent de tout ce à quoi elle avait pu s’intéresser. Comme quoi, chaque nouvelle rencontre est pleine de surprise. Et ce, même en 7ème année.

- Tu crois que des gens voudraient les acheter ? Ah... J'espère que ça arrivera vraiment...

"Oh j’en suis sûre! Enfin j’veux dire… je pense… Comme je te l’ai dit, je ne suis pas vraiment une référence dans ce domaine…"

Aléa haussa légèrement les épaule, tout en regardant la jeune fille avec un sourire qui trahissait son ignorance.

"En tout cas, j’aime beaucoup ce que tu fais. Même si ce n’est que mon avis…"

Cette fois-ci, son sourire devint beaucoup plus confiant. Après tout, même si elle n’y connaissait rien, ça ne l’empêchait pas de donner son avis. C’était bien, vraiment très bien. Et elle voulait que Jocelyne le sache.

- Il faudrait rajuster un peu les manches et la longueur pour qu'il t'aille parfaitement, par contre... Je suis vraiment trop grande, quand je fais quelque chose à ma taille, c'est trois fois trop pour tout le monde...

Elle ne bougea pas pendant que la jeune fille s’approchait d’elle, et commençait à faire des modifications. Bien sûr, il y avait quelques petits réglages à faire pour que ça lui aille parfaitement, et la créatrice savait ce qu’elle faisait. Apparemment, il était trop long pour Aléa. Enfin, j’ai dit ‘apparemment’, mais elle s’en était un peu douté. Parce que même si elle était ignorante en matière de mode et de vêtements, elle était capable de voir si un vêtement était trop grand. Jocelyne fit remarquer que ce qu’elle faisait pour elle était souvent trop grand pour les autres, mais elle était sûre que c’était encore plus flagrant sur elle que sur les autres. Parce qu’Aléa n’était pas vraiment ‘naine’, mais elle ne faisait pas non plus partie de la catégorie des personnes qu’on pouvait qualifier de ‘grandes’. Disons qu’elle était dans la moyenne.. La petite moyenne…

"Ah! Oui, c’est vrai que j’suis pas du genre très grande… Désolée… Quoique, avec une baguette, ça doit être plus facile…"

La préfète sourit à la Poufsouffle tandis que celle-ci faisait les derniers arrangements. Quand elle eut enfin terminé, le manteau lui allait parfaitement. Et il était encore plus agréable à porter comme cela. La créatrice fit le tour de sa ‘cliente’, et montra un air satisfait, ce qui fit beaucoup plaisir à la jeune fille.

"Il y a d’autres personnes que toi qui portent tes créations?"

Aléa était curieuse de savoir si sa collègue de maison avait déjà trouvé d’autres personnes qui s’intéressaient à ce qu’elle faisait, où si elle était la première à pouvoir profiter de son talent. Ce n’est pas que le fait d’avoir l’exclusivité était important pour elle, mais cela lui apporterait quand même un certain honneur.

Et toi, qu'est-ce que tu aimes alors ? Tu veux qu'on aille faire un tour autour du lac, à la volière, ou... ou j'en sais rien... Par où tu veux qu'on aille ?

La préfète remercia d’un signe de tête la jeune fille qui lui avait ouvert les portes du hall, et sortit du château en analysant les questions de Jocelyne. Où voulait-elle aller? Au lac? C’est ce qu’elle avait l’habitude de proposer, mais cette fois, elle avait envie de changer. Peut-être le parc, c’était plutôt bien, le parc. Ou peut-être la volière… Cela faisait quelques jours déjà qu’elle n’avait pas rendu visite à Imala, et c’était peut-être l’occasion… Elle était arrivée en bas de l’escalier quand elle répondit enfin.

"On pourrait peut-être aller à la volière? Ça sera l‘occasion pour moi de voir ma chouette, mais si tu préfères, on peut aussi aller au parc. C’est comme tu veux."

- Je suis loin d'être une pro, je fais juste ce qui me plaît, après je sais pas si ça plaira aux autres. Mais si déjà ça te plaît à toi, c'est cool...

Un sourire amical sur le visage, Aléa hocha la tête. Oui, ça lui plaisait, et elle l'avait assez répété pour que Jocelyne le sache. A quoi cela servirait de le répéter encore une fois? A rien, tout simplement. Donc, elle n'avait rien d'autre à répondre, qu'un hochement de tête approbateur.

Lorsque la jeune fille lui annonça qu'elle était la première anglaise à porter une de ses créations, cela fit chaud au coeur d'Aléa. Elle était fière, oui, fière. Et d'un coup, tous les doutes qu'elle avait à propos de son efficacité en tant que préfète s'évanouirent. Elle se sentait bien, elle se sentait proche de Jocelyne, et de tous les Poufsouffles avec elle. Elle se sentait... préfète. La préfète qui discutait avec ceux qui restaient à l'écart, et qui essayait de les intégrer aux autres. La préfète qui faisait tout ce qui était en son pouvoir pour que chacun se sente à l'aise dans sa maison.

[...] Et puis tu sais quoi ? S'il te plaît et si t'en as envie, t'as qu'à le garder ce manteau, il te va super bien comme ça.

Ses pensées s'immobilisèrent, restant bloquées à "t'as qu'à le garder ce manteau". Jocelyne voulait qu'elle le garde... Ce... ce... ce manteau... ce manteau magnifique...sublime... On lui proposait de le garder...

Aléa n'en croyait pas ses yeux, ni ses oreilles. Elle mourait d'envie d'accepter, bien sûr, mais il y avait une partie d'elle qui lui disait que non, elle ne pouvait pas accepter. Parce qu'elle n'avait rien fait pour mériter ça, et puis, parce qu'elle ne pouvait tout simplement pas croire que ce manteau pouvait vraiment être le sien. Il était trop beau, trop.. parfait.

"Oh... C'est... gentil, c'est vraiment très gentil... Mais... Je ne sais pas si je dois accepter... J'veux dire... Il est beau, très beau... trop beau..."

La préfète sentit le rouge lui monter aux joues. Elle était ri-di-cule. Pourquoi ne pouvait-elle pas accepter? Tout simplement? Comme n'importe quelle personne normale aurait fait? Elle se sentait bête. Et c'était rare qu'elle se sente aussi bête...



- Je t'accompagne avec plaisir à la volière, j'aime bien... passer du temps avec les oiseaux. Je sais pas, je trouve qu'ils sont apaisants... Chez moi, je passais tout mon temps entre la couture, notre volière et la cage de mon lapin...

"Ah! Toi aussi! Tiens, c'est bizarre. A moi aussi, ça m'arrive de passer plusieurs heures à la volière, sans même m'en rendre compte. Je vais là-bas, je m'asseois et je me mets à caresser Imala, et... et j'oublie le temps. Leur présence.. m'apaise, comme tu dis. Je ne pensais pas que.. enfin... qu'on aurait ça en commun..."

Elle était contente. Vraiment contente. Parmi ses amis, il n'y en avait pas beaucoup qui comprenait ce qu'elle ressentait au contact des animaux, particulièrement sa chouette. Et avoir l'occasion de le partager, maintenant, ça lui faisait vraiment plaisir.

"Alors, tu as... un lapin? Et.. une volière? tu as vraiment une volière chez toi ?"

Avoir une volière, pour Aléa, ça signifiait avoir beaucoup, beaucoup de hiboux et de chouettes. Et ça signifiait aussi vivre à l'écart des moldus. Parce que la préfète était bien placée pour savoir qu'il n'était pas facile d'avoir ne serait-ce qu'une seule chouette quand on vivait parmi les moldus. De son point de vue, Jocelyne avait de la chance d'avoir une volière chez elle.
Mais cela ne voulait pas dire qu'elle n'avait pas de chance. Quand elle était chez elle, Aléa aimait beaucoup se promener dans la ville, et avoir des activités moldues, comme aller au cinéma, ou se promener dans les lieux publics. Elle se souvenait encore de la dernière fois qu'elle avait retrouvé ses amies moldues dans le parc près de chez elle. L'une d'entre elles étaient tombée dans les orties ( Lalyyyne), et Aléa l'avait aidé à s'en débarrasser, à l'aide de sa baguette magique. Bien sûr, elle avait pris soin de cacher son geste, parce que ses moldues de copines ne savaient rien de son secret... Ce secret qui lui paraissait si lourd quand elle était avec elles...

M'enfin revenons à nos Poufsouffles... Les deux jeunes filles marchaient côte à côte, dans le parc du château, en direction de la volière. Le ciel ne présageait rien de bon, mais Aléa ne voulait pas exclure la possibilité que dans quelques minutes (ou plutôt dizaines de minutes), elle pourrait chanter "Il nous a amené le soleil, darladirladada", en faisant la danse du soleil... Hum, non. Elle n'en arriverait pas à là.





Edit Lalyne : IL NOUS A AMENE LE SOLEIL DARLADIRLADADA non c'est pas vrai elle se déconcentre toute seule

Jocelyne resta un moment interdite comme Aléa semblait perplexe face à son offre de garder le manteau. Est-ce que ça voulait dire qu'en fait elle n'aimait pas ? Ou... Ah... Elle hésitait. Trop beau ? Pourquoi trop ? Un sourire fleurit sur les lèvres de la sixième année, qui lui répondit presque trop spontanément :

- Bah si je te le propose, c'est que tu peux accepter. T'as pas de raison de refuser si ça te plaît, moi ça me fait plaisir que tu le portes...

Les joues de la préfète se colorèrent légèrement, ce qui élargit le sourire de la québecoise. Elles allaient donc vers la volière, sans savoir que c'était sans doute une des dernières fois.

- Y a une des chouettes qui est à toi ? Ou un hibou ? T'en as de la chance ! Moi, mon Flocon est resté au Québec... Euh... Oui, y a une volière à la maison, mais ce ne sont pas des chouettes... Mes parents sont moldus, mais j'avais tendance à récupérer tous les oiseaux blessés. Y a des colombes, des moineaux, des merles... Bref, rien à voir avec ici... Ca m'a manqué au début, de les avoir toujours tout près, alors j'ai commencé à venir à la volière régulièrement.

Elles marchaient donc en direction de la volière, et Jo ne se souciait guère du ciel qui se couvrait, ignorant les préoccupations de sa camarade à côté d'elle. Pourtant... Pourtant elles ne purent pas profiter plus d'une dizaine de minute de la présence des volatiles auprès d'eux. Déjà, le ciel couvert de gros nuages noirs déversaient des trombes d'eau et de glace mêlés, les forçant à retrouver le couvert de leur salle commune, à l'intérieur de l'Ecole. Mais qu'importait : Jo avait fait la connaissance d'Aléa, la préfète. Il y avait au moins une personne avec qui elle pouvait parler, si elle en ressentait le besoin. Ne serait-ce que parler de couture ou d'oiseaux. C'était bien plus que ce qu'elle avait eu depuis bien des mois...

[J'ai pris le parti de clôturer, comme on a changé de mois... Ca te va ?]