Jamais le Soleil et la Terre n'ont paru si proches. * Libre

Dimanche matin. Qu'est-ce qu'elle pourrait bien faire un dimanche matin? Telle était la question que se posait la jeune femme blonde en errant sans but dans les couloirs de l'école. Personne à emmerder. Tout était tranquille. Elle avait encore eu une de ses insomnies dûes à ses cauchemards qui remontaient à son enlèvement. Gaïana se demandait quand cela cesserait enfin. Elle avait cessé d'en parler à son frère. Ils étaient jumeaux, mais cet événement donnait l'impression de les avoir séparés. Elle se sentait loin de tout le monde, à dire vrai. Il n'y avait que quand... Que quand elle avait une de ses aventures d'un soir qui faisaient souffrir tout le monde, sauf elle. Enfin... Elle se voilait la face. A elle aussi, cela lui faisait mal.

Enfin... La jeune femme soupira. Elle avait envie de le voir, de lui parler. Elle revint dans le dortoir des Serpentards, mais il n'y était pas. Curieusement, elle n'avait pas ressenti le besoin de lui parler depuis un moment. Elle savait, pourtant, pertinemment qu'il était toujours derrière elle à vouloir la protéger. La jeune fille ressortit. Elle était vêtue d'une courte jupe qui lui arrivait à peine à mi-cuisse et un chemisier noué à la taille. Par dessus, elle portait sa robe de sorcier pour se protéger du froid. Mais celle-ci était ouverte, bien entendu.

Dans les couloirs, les garçons se retournèrent sur elle, la regardant avec envie. Mais la Terre n'y prêtait pas attention. Elle avait un but: trouver Guéli. Son Soleil. Depuis combien de temps ne l'avait-elle pas appelé ainsi? Elle savait où elle pouvait le trouver. Serpentard digne d'un Serdaigle, mais avec le côté machiavélique en plus. Il ne pouvait être qu'à la bibliothèque. Aussi, ce fut à cet endroit qu'elle se rendit d'office. Bingo... Il était effectivement là.

"Et bien, petit rat de bibliothèque? Tu n'en as pas marre de trainer dans la poussière?" demanda-t-elle en s'asseayant à ses côtés sans même lui demander si elle le pouvait.

Gaïana tiqua un peu de la façon dont son frère lui répondit, mais préféra ne pas relever. Comme lui, elle semblait vouloir enterrer la hache de guerre et, même si son frère stait un peu brusque, il avait toujours été ainsi. Elle n'avait jamais cessé de regarder vers lui, même si elle ne le faisait que lorsqu'il ne pouvait s'en rendre compte. Sans répondre, elle attrapa la chaise qui se trouvait en face d'elle, bien qu'il se soit replongé dans son bouquin. Les ongles longs et parfaitement manucurés de la jeune fille se mirent à taper en rythme sur la table d'une façon plus qu'agassante.

"Si je te gène dis le moi... Je m'en irai.."

Elle marqua un temps de silence, observant d'un regard neutre son Soleil pour voir sa réaction. C'était la première fois depuis quelques années qu'elle venait vers lui pour lui parler et, surtout, qu'ils se retrouvaient seuls tous les deux et aussi proches l'un de l'autre. Il aurait suffi à la jeune fille de tendre la main pour toucher Guéli, ce qu'elle se refusait à faire pour l'instant. Néanmoins, elle tendit le bras vers lui. Poussant un soupir, elle attrapa le livre qu'il lisait. "Hist War". La jeune fille grimaça.

"Comment peux-tu lire cette chose horriblement mal écrite et gavante au possible?" fit-elle en claquant de la langue en signe d'agassement.

Contrairement à elle, Guéli avait toujours aimé tout ce qui était cours théoriques. Il excellait dans ces matières là. Elle avait, un temps, soupçonné que la raison en était qu'elle-même s'en était rapidement détournée. Elle avait plus de facilités que son frère, notamment dans ce qui était cours pratiques. Lui comblait cela en étudiant intensément. Elle s'était longtemps demandée pourquoi il avait été envoyé à Serpentard et non pas à Serdaigle. Etaient-ce du fait de son enlèvement qu'il en avait développé des traits de serpentards? Lui qui, avant, c'était toujours bien entendu avec les moldus alors qu'elle non? La jeune fille n'en avait pas la moindre idée. Elle poussa un petit soupir et reporta ses yeux verts si pénétrants sur son frère.

Elle savait que ça l'agassait. Elle le savaitr pertinemment. Elle aussi, ça l'agassait de faire ça. Mais elle voulait qu'il réagisse. Qu'il l'envoie bouler, ou qu'il lui demande d'arrêter. Mais qu'il parle. C'était tout ce qu'elle voulait. Comme c'était difficile, les choses... Mais Gaïana n'en laissa rien paraitre. Ne pas montrer de failure. Ne pas craquer. Ne pas fondre. Rester forte. Rester sûre d'elle comme elle l'avait toujours été depuis... Depuis si longtemps... Elle n'avait jamais vraiment parlé à son frère de ce qu'elle avait vécu là bas pendant un an. Ce n'était pas elle qui avait décidé de la séparation. C'était la vie. C'était la vie qui les avait séparé, semblait-il à tout jamais. Mais elle ne voulait pas que ça dure. Il fallait que cela cesse.

Un mouvement de tête, un regard et elle resta. Elle qui s'apprêtait à se lever et à partir resta. Là. Dans la bibliothèque, lieu où elle ne mettait jamais les pieds. En face de lui son frère unique, son frère chéri, celui qu'elle chérissait plus que sa vie même. Mais elle ne l'avouerait pas. Plutôt périr. Les sentiments rendaient faible. C'était ce qui avait failli la perdre. Elle avait longtemps compté sur le lien qui les unissait pour qu'il la retrouve. Pour qu'il mène leurs parents jusqu'à elle. Mais ce lien n'était qu'une illusion. La preuve, il n'avait pas résisté à cette année déloignement. Alors, plutôt que de souffrir de ne plus être aussi proche, plutôt que de souffrir d'envier sa vie, plutôt que de souffrir de le voir avec ses amis alors qu'elle restait seule, elle avait consommé la brisure de leur lien si fort auparavant. Elle avait voulu lui faire mal, inconsciemment. Mais jamais elle ne l'avouerait.

Elle le fixait, de ses yeux verts si profonds, de ses deux lagons, de ses deux puits sans fond où tant de jeunes hommes s'étaient noyés sans pouvoir remonter à la surface. Comme si elle voulait le prendre au piège de ses yeux verts. Un sourire s'était dessiné sur ses lèvres à sa dernière remarque. Mais elle ne reprenait pas la parole. Lui non plus d'ailleurs. Un regard échangé. Elle savait qu'il bouillait. Encore un peu et il allait dire un mot. Ping pong, elle s'y attendait. Quel serait le premier à blesser l'autre?

Et cette phrase, blessante. Comme quoi il ne lui aurait pas manqué. Les prunlles de la jeune fille s'étrécirent. Respiration, à son tour. Calme. Ne rien dire, ne rien répondre. Elle le savait, ce silence pesant l'énerverait. Et il reprendrait la parole, tôt ou tard. Ou il partirait, énervé. Et elle aurait gagné. Ou perdu, elle ne savait pas. Elle ne savait plus. Mais ne rien montrer. Ne pas montrer que cette phrase, cette simple phrase avait atteint son coeur. Le plus profond de celui-ci, comme s'il avait tenté d'arracher le dernier fil qui les reliaient l'un à l'autre.

Elle le regarda sourir. Ce sourire qu'elle honnissait pour l'avoir vu sur un autre. Sur un visage moldu. Sur le visage de celui qui l'avait enlevée. Elle dût se retenir pour ne pas lui sauter dessus, toutes griffes dehors et lui arracher les yeux. Le défigurer. Mais c'était son frère. Elle ne pouvait pas. Elle ne pouvait pas faire ça. Respiration. Une nouvelle fois. Son visage ne montrait rien. Ses pupilles seulement restaient rétrécies. Comme celles d'un chat en pleine lumière. Elle continuait de le regarder, un léger sourire moqueur sur les lèvres. Et il reprit la parole. De cette même voix qui lui avait tant manquée. De cette même voix qu'elle entendait les rares nuits où elle ne rêvait pas de cette année là.

Nouvelle fêlure. Ne rien montrer. Elle avala sa salive. Il lui fallait tenir bon. Mais elle n'avait qu'une envie. Sauter sur ses pieds et le gifler de toutes ses forces. Exorciser ces années de souffrance. Ces anées de douleur à ressasser son enlèvement par ce moldu qui, fort heureusement pour elle n'avait jamais tenté d'abuser d'elle. Elle était encore trop jeune, qu'il disait. Mais il n'aurait pas attendu longtemps. Elle le voyait, la nuit, se pencher sur elle pour respirer son odeur. Elle ne dormait pas. Jamais. Elle avait peur qu'il en profite. Elle ne s'assoupissait, elle ne somnolait que quand elle l'entendait ronfler.

Enfin, elle prit la parole. Une simple phrase, reproche à peine déguisé. Elle ne s'excuserait pas. Elle voulait renouer le lien, mais elle ne dirait pas pardon.

"C'est toi qui doit payer les pots cassés? Quels pots cassés? Tu ne m'as jamais entendue t'appeler, la nuit. N'as-tu jamais senti ton coeur comme déchiré? N'as-tu jamais ressenti une souffrance qui n'était pas la tienne, quand je n'étais pas là, cette année là?"

Elle se tut à nouveau. C'était fini. Elle avait parlé.