Quand Line passe...

Cela aurait pu être une journée de rêve. Oui, cela aurait pu... Si cette neige n'avait pas empêché toute personne désirante de sortir de mettre ne serait-ce que le bout du nez dehors. Il faisait froid - très froid - malgré ce ciel au bleu limpide et clair presque aussi pur que les yeux de Reese ; malgré ce soleil qui inondait les couloirs de sa lumière pale et froide, comme une lune ronde, un soir de pleine lune. Bref, il faisait un temps magnifique pour une matinée de fin février mais tout le monde rechignait à sortir poser ses fesses sur le gazon, à cause de la neige...

Isaline, elle, ce n'était pas vraiment ce qui l'empêchait de sortir. Elle aimait l'hiver, le froid, la neige... Le contact de cette poudre blanche dans ses mains lui procurait une sensation des plus agréables. Mais... Il n'y avait personne pour l'accompagner dehors. C'est là un des inconvénients d'être toujours seule...

Tant pis, pensa-t-elle, amère. Ce sera une journée de plus à errer dans les couloirs du château...

Et Isaline serra son sac contre elle, et son manteau aussi car la température n'était pas des plus douces dans les couloirs. Elle détacha son regard de la magnifique vue que lui offrait le Parc de Poudlard et s'avança, au hasard, laissant ses pas la guider ou bon leur semblaient.

Perdue dans ses pensées, notre Line ne remarqua pas l'étrange porte devant laquelle elle était arrivée et entra dedans, de plein fouet. La porte, non contente de cela, l'envoya rebondir sur ses fesses. Et elle eut mal, très mal...

Ravie que l'endroit soit désert - voilà au moins quelque fous rire d'évités - elle se releva en pestant contre sa maladresse naturelle et poussa la double porte de la bibliothèque. Aussitôt, un sentiment de paix l'envahit. Ici, tout était calme, beau et chaleureux... On entendait à peine le murmure d'un élève, le crissement de plume sur un parchemin, une page qui se tourne... Un véritable enchantement ! Line sourit alors malgré elle et s'avança dans les rayons, pour se saisir d'un livre. Au hasard.

Son choix, cette fois-ci, tomba sur quelque chose d'inhabituel. Mais il faut dire que c'est plutôt ce choix qui tomba sur elle. Un livre - apparemment très désireux d'être lu - s'étala à terre lorsqu'elle passa devant. Ouvert. Line ne l'aurait jamais remarqué, il était dans un rayon où elle n'allait presque jamais - Magies Secrètes - et dans l'étagère inférieure. Il aurait fallu qu'elle se baisse et marche à quatre pattes pour le voir. Ne résistant pas à l'envie qui la prenait de prendre l'ouvrage, elle s'en saisit et refit demi-tour. Apres tout, il n'avait rien de dangereux, sinon sa place aurait été à la Réserve, non ?

Isaline s'installa dans une table un peu reculée, près de la fenêtre. C'était un peu son coin à elle... Lorsqu'elle lisait, elle aimait s'interrompre et lever le nez au ciel pour laisser ses pensées voguer, gambader à travers les plaines et les montagnes qui entouraient Poudlard. Imaginer était sa seconde passion.

Line posa le livre, ouvrit son sac et en sortit une sorte de petite radio bizarre. Pour des Sorciers, bien sur. C'était en fait, un baladeur Moldu que sa mère avait ensorcelé afin qu'il marche même à Poudlard... Isaline y avait mis toutes ses chansons préférées. Et son choix s'arrêta cette fois sur "Stay with you" des Goo Goo Dolls. Un groupe Moldu aussi... Mais Isaline n'était pas une Serpentard et n'avait donc pas honte ou peur de ses goûts. Elle appuya sur Play et laissa le baladeur délivrer ses mélodies enivrantes. Elle se mit en tailleur sur sa chaise, approcha la table et ouvrit le livre. Il traitait de Nécromancie.

Très Intéressant !

Hj : Euh... Me laissez pas toute seule, s'il vous plait !

Qui a eu cette idée folle un jour d'inventer l'école? C’est ce sacré Charlemagne! Pauvre Charlemagne… Il ne s’était pas douté qu’il serait tant détesté par toute une flopée d’enfants désireux de passer toutes leurs journées à regarder la télévision, à dormir, à jouer au quidditch ou au football, bref, à s’amuser. Mais il y avait une autre question, dont on n’avait pas la réponse… Et pourtant, il y avait quelqu’un qui se la posait cette question. Qui a eu cette idée folle un jour d’inventer les BUSEs ? Oui, vous avez bien lu, les BUSEs. Vous savez, ces trucs un peu bizarres qu’on vous fait passer à la fin de votre cinquième année, et qui vous donnent le droit de continuer votre scolarité… Est-ce qu’un enfant - ou plutôt adolescent dans ce cas - normalement constitué ferait des efforts inconsidérés pour avoir le droit d’en faire plus l’année d’après? Il fallait croire que oui. Les mystères de la nature humaine…resteront toujours des mystères.

Les BUSEs, donc. C’était l’année des BUSEs. Et si Jess pensait n’en avoir rien à faire, ce n’était pas l’avis de tout le monde. Tous les matins, et tous les soirs, c’était l’effervescence. Dans la salle commune, dans les dortoirs, même dans les toilettes, il n’y avait plus aucun endroit où elle pouvait être tranquille. Si elle avait pu, elle serait bien sortie dans le parc, où elle avait plus de chances de trouver la tranquillité. Oui mais voilà, le temps ne s’y prêtait pas trop, et puis aller toute seule au parc, ça la rendrait limite dépressive. Donc, non. Pas le parc. Et comme je l’ai dit plus tôt, tous les endroits stratégiques du château (en considérant les toilettes comme un endroit stratégique…) était investis par des élèves désireux d’avoir le maximum de BUSEs.

D’une manière générale, la miss Stuckman s’en sortait relativement bien (si, si! c’est possible) dans les matières pratiques, comme les Sortilèges, ou la Métamorphose. Il était évident que la métamorphose qu’elle maîtrisait le mieux était celle de son propre corps, puisqu’elle était métamorphomage. Mais il fallait croire que ce pouvoir singulier lui était d’une certaine utilité lors des cours de Métamorphose, puisque les exercices que donnait le professeur McGonagall lui semblaient plus faciles qu’aux autres élèves. Et comme Jess n’était pas vraiment une lumière, la théorie du « coup de pouce du pouvoir » était la plus vraisemblable. Elle avait donc prévu d’avoir sa BUSE de Métamorphose… Au moins ça, pour ne pas être forcée de quitter Poudlard l’année suivante, pour cause d’ « incapacité à poursuivre l’étude d’une seule des matières enseignées ». Quant à la BUSE de Sortilèges, on disait que tout le monde ou presque l’avait, et qu’il fallait vraiment être un troll pour ne pas l’avoir. Et là encore, Jess n’était peut-être pas une lumière, mais elle n’était pas un troll.

Donc, les Sortilèges et la Métamorphose ne devraient pas poser de problèmes. Personnellement, elle s’en serait contentée. Si elle n’avait eu que ces deux BUSEs, ça ne ferait que deux cours à poursuivre, ce qui ne la dérangeait absolument pas. Elle aurait été la risée de son dortoir, de sa maison, peut-être même de toute l’école, mais ça, elle n’en avait strictement rien à faire. Au contraire, ça pourrait faire augmenter le nombre de personnes qui se retournaient sur son passage, et qui parlaient d’elle. Pas qu’elle soit avide de notoriété; mais Jess était ce qu’on pouvait appeler quelqu’un d’optimiste, et en tant que tel, elle avait la capacité de voir le bon côté de n’importe quelle situation, y compris celle où elle se trouvait au centre des discussions, montrée du doigt pour son incompétence à dépasser le niveau intellectuel d’un troll.

Ce qui l’avait poussée à se trouver à la bibliothèque avec ses camarades de classe en ce jour de février, ce n’était pas la peur de la solitude qu’elle aurait ressentie si elle s’était trouvée ailleurs; ce n’était pas le froid glacial qui effaçait toute envie de joyeuse ballade à l’extérieur, ce n’était même pas le fait que Kelly l’air supplié de l’accompagner parce qu’elle ne voulait pas être seule avec les autres. Ce qui l’avait poussée à être là, c’était la visite qu’elle avait reçue de son père, lors de sa dernière sortie à Pré-au-Lard. Il avait été clair. Sa mère, bien qu’étant complètement moldue, lui avait explicitement expliqué que si ses résultats scolaires ne s’amélioraient pas, et que si elle n’obtenait pas un nombre satisfaisant de BUSEs, elle irait personnellement voir le directeur de l’école pour se plaindre de l’enseignement dispensé aux élèves, et du laxisme des professeurs. Elle n’était peut-être pas douée de magie, et elle n’avait peut-être jamais vécu dans ce monde, mais c’était un collège comme un autre, et l’éducation scolaire de sa fille était de la plus haute importance, qu’elle soit magique ou non. De toute évidence, Jess redoutait le jour où sa mère franchirait les portes du château de Poudlard, elle le redoutait encore plus que le fait de travailler. Et c’est plutôt compréhensible; une mère qui veut se mêler de tout ce qui bouge, même quand elle n’y connaît rien, ça fait toujours peur.

Ainsi, Jess s’était retrouvée assise à une table de la bibliothèque, entourée de livres qui la rendaient malade, et de personnes qui étudiaient et qui la rendaient encore plus malade. Elle avait fait des efforts, elle avait ouvert un livre, et elle avait vraiment essayé de s’intéresser à ce qui était écrit. Mais au bout de quelques minutes, elle en avait déjà marre. Ces histoires de gobelins l’agaçaient au plus haut point, et elle n’avait toujours pas compris pourquoi ils s’étaient révolté. Découragée, elle referma le livre dans un bruit sourd, attirant le regard foudroyant de ses voisines de table. Étonnée par cette réaction, Jess lança un regard interrogateur à Kelly, qui secoua discrètement la tête.

« Essaie d’être un peu plus discrète. On doit pas faire de bruit ici… »

Pas de bruit? Comment ça pas de bruit? C’est quoi cette blague? Oui, c’est vrai que l’endroit était silencieux, vraiment très silencieux. Trop silencieux, même. Mais pourquoi pas de bruit? Depuis quand le bruit empêchait de travailler? Début de la parenthèse. Que ceux qui ont une réponse à cette question se taisent. Pour informations, Jessica Stuckman ne sait pas ce que c’est que travailler, elle ne peut donc pas comprendre qu’on veuille du silence pour le faire. Fin de la parenthèse.

« Okay… Bon alors, tu sais quoi, je vais faire un tour… »
« Mais… »
« T’inquiètes, je reste pas loin. »

Faire un tour dans la bibliothèque, quoi de plus naturel? D’un côté, il y avait le bureau de monsieur le beau gosse, alias monsieur Lark. De l’autre, des rangées et des rangées de livres, de bouquins, d’ouvrages, de manuels, enfin bref, super intéressant. Et puis, des tables. Plein de tables, auxquelles étaient assis des dizaines d’élèves désireux d’en apprendre encore et encore sur les différentes tailles et couleurs des chaussettes de Merlin. Jess les comprendrait… un jour, peut-être. Mais pour l’instant, elle n’y arrivait pas. Repérant un rayon désert, décrit comme étant celui des « Magies Secrètes » , la poufsouffle s’y engagea, curieuse de savoir ce qu’elle allait bien pouvoir trouver. Une dernière tentative pour trouver quelque chose d’intéressant, la dernière tentative. Après ça, elle ficherait le camp sans attendre.

Elle avait à peine fait trois pas qu’un livre tomba à ses pieds, s’ouvrant sur un dessin qui tenait sur les deux pages, et qui représentait des formes cadavériques flottant autour d’un sorcier agitant sa baguette. Troublée et affolée par cette vision, Jess poussa un cri et recula rapidement, cherchant à tout pris à s’éloigner de ce livre. Comme il fallait s’y attendre, elle heurta quelque chose. Et ce quelque chose fut une table, qu’elle manqua presque de faire tomber. Se retournant d’un seul mouvement, elle se rendit compte avec horreur que la table était occupée par quelqu’un, une fille qui était de toute évidence plus âgée qu’elle.

« Oh… désolée… je suis… désolée »

Pas de bruit ils avaient dit. Avec la chance qu’elle avait depuis quelques jours, elle allait se faire bannir de la bibliothèque. Dès sa première visite… Franchement, elle faisait fort. Elle devait expliquer son comportement. Si ça pouvait l’éviter de se faire éjecter tout de suite, elle devait essayer.

« C’est… ce livre… euh… Il n’y a pas un endroit où sont censés être rangés les livres…euh… choquants ? »