Morgane C. Frost, 7e Année.

Une jeune fille était avachie sur la banquette gutturale de la calèche, le regard vague, la main droite jouant négligemment avec un briquet. Ses pieds se reposaient sur la banquette d’en face, tandis qu’elle regardait la foule des première année s’agglutiner autour des barques, menés par Hagrid, dont la silhouette s’élevait au-dessus de toutes les têtes.

Le temps était pourri, dehors. Une avalanche d’eau se déversait sur le château, frappait sur les vitres, déformait la surface lisse du lac, faisait trembler de froid les élèves trempés jusqu’aux os. Le premier septembre avait toujours été synonyme de mauvais temps. Si elle n’avait pas été à ce point contrariée par le simple fait de se trouver là, elle aurait remercié le ciel de ne pas avoir à traverser le lac ce soir-là.

Les yeux noisette de Morgane se braquèrent sur la porte de la calèche lorsque cette dernière s’ouvrit dans un souffle, laissant une bouffée d’air froid s’engouffrer à l’intérieur. Des bribes de conversation parsemés de rires parvinrent aux oreilles de la jeune Gryffondor affalée sur la banquette, dont le corps commençait à se contorsionner sous les frissonnements.

Dites, vous entrez, oui ou non ? Dans les deux cas, si vous pouviez fermer la porte, ça serait sympa, merci.

Une tête blonde s’immisça dans l’entrebâillement et ausculta l’intérieur de la calèche. Ses yeux gris/bleu s’attardèrent sur la jeune brune qui n’avait pas bougé d’un pouce, et fixait l’intruse de son regard le plus inexpressif, le sourcil gauche légèrement arqué. La fillette fit virevolter ses tresses blondes en se tournant vers son compagnon, et après avoir déclaré qu’il « y avait de la place », monta les marches et vint s’installer sur la banquette en face de Morgane, suivie d’un jeune garçon, blond également.

La jeune brune resta imperturbable. Du moins, en l’apparence. Elle était certes contrariée de devoir partager une calèche avec deux gamins qui, du fait de leur jeune âge, promettaient d’être insupportables tout au long du voyage. Regarde le bon côté des choses, Morgane, au moins tu ne te trouves pas face à une bande de Serpentards insolents. Moui. C’était le seul bon côté qu’elle y voyait.

Quelque part au tréfonds de son esprit, et bien malgré elle, elle se sentit de retour « chez elle ». De retour là où elle appartenait vraiment. Tout dans ce château lui semblait si familier. Des tuiles arrachées par une pluie violente à la silhouette imposante du garde-chasse en passant par les insupportables jacassements des deuxième année. Mais elle était trop bornée pour se l’avouer. Elle avait passé plus de trois mois à essayer d’oublier Poudlard, le seul endroit au monde où elle n’avait pas à subir les interminables leçons de morale de son père. L’année précédente, elle avait délibérément foiré ses ASPIC, histoire de prouver à l’ensemble du monde sorcier qu’elle n’était pas faite pour suivre une voie académique, qu’elle n’avait pas besoin de ces foutus diplômes pour faire ce qu’elle avait envie de faire. Le projet avait germé dans son esprit dès le moi de mai, mais elle n’a jamais pu le concrétiser assez pour se lancer. Elle avait besoin de faire des recherches, elle n’était pas encore au point. C’est pourquoi, et bien à contrecoeur, elle avait accepté de refaire sa septième année, ce qui lui permettrait de repasser ses ASPIC, blablabla, suite à une lettre de la direction de Poudlard. Elle trouvait ça quand même bizarre qu’ils lui proposent de retaper sa septième année, alors qu’on lui avait toujours dit que si on foirait ses ASPIC, c’était définitivement foutu. Elle se doutait bien que son père devait y être pour quelque chose. Mais à vrai dire, les mystères de comment fonctionne le ministère de la magie ne l’intéressait que moyennement. Elle avait surtout besoin de l’immense bibliothèque de Poudlard et, il ne fallait pas se voiler la face, de ses amis. Elle préférait ne pas penser au moment où elle devrait se convertir en antisociale, partir dans un pays où tout lui serait étranger… C’était pour plus tard. Elle avait encore un an.

La jeune fille passa une main dans ses cheveux, pensive. Peut-être arriverait-elle à finalement s’avouer qu’elle ne détestait pas Poudlard. Peut-être passerait-elle une année joyeuse, qui sait. On ne pouvait franchement pas dire que ses sept années précédentes étaient totalement déprimantes, peu remplies, et calmes. C’était justement tout le contraire. Et n’importe qui dirait qu’elle avait passé sept années exceptionnelles. Mais Morgane n’était pas « n’importe qui ». Si elle n’avait pas cultivé un refus buté, absolu, d’accepter Poudlard tel quel, alors peut-être aurait elle regardé le bon côté des choses, et uniquement le bon. Mais elle n’y voyait qu’un internat où on vous lessivait le cerveau à coup de BUSE et d’ASPIC.
Elle se revoyait en 3ème année, où elle était l’exemple même de l’élève parfaite, où n’importe qui vous aurait confirmé qu’elle méritait bien son badge de préfète, où elle se voyait bien avoir le maximum de BUSE et décrocher haut la main ses ASPIC. Elle avait du mal à comprendre comment elle en était arrivée au point où elle était. Il n’y avait aucune comparaison possible entre la Morgane d’hier et la Morgane d’aujourd’hui. La Morgane d’aujourd’hui s’était complètement laissée aller. Je m’en foutiste à souhait, des répliques cinglantes en veux tu en voilà, de l’insolence gratuite, jamais contente, toujours contrariée… Et le plus grave dans tout ça, c’était qu’elle s’en rendait parfaitement compte. C’était limite si elle ne le faisait pas exprès tellement elle avait envie d’extérioriser son dégoût pour cette école.
Mais cette année-là, elle avait décidé de prendre de bonnes résolutions. C’était sa dernière année, et un sentiment de nostalgie et de regret commençait à s’emparer de la jeune fille. Primo, elle allait arrêter de se bousiller les poumons. Exit les clopes. Secundo, elle allait essayer de prendre les cours avec un minimum de sérieux. Et tertio, elle allait faire en sorte de passer une bonne année. Sa dernière.

J’ai entendu dire que Poudlard partait complètement en vrilles. On va rien pouvoir faire, cette année, une envoyée spéciale je sais pas trop quoi du ministère sera constamment sur notre dos…

Une voix aigue extirpa Morgane de ses rêveries avec une légère brusquerie. La tête de cette dernière pivota lentement vers la jeune blonde qui venait de parler, les sourcils froncés. Elle avait vaguement entendu une ânerie du même genre pendant l’été. Son père, qui travaillait depuis toujours au ministère de la magie, avait du en glisser un mot pendant un des dîners. Mais premièrement, Morgane écoutait rarement son père lorsqu’il se lançait dans des discours concernant le ministère et ses projets, et deuxièmement, elle n’y avait pas vraiment prêté attention.
Mais apparemment, la rumeur avait circulé un peu partout. Et une rumeur qui circule un peu partout s’avère très souvent véridique. La jeune fille laissa échapper un soupir à fendre l’âme. Si le ministère fourrait son nez dans les affaires de Poudlard, c’était mal parti pour une année joyeuse.

Les calèches s’étaient arrêtées. Deux minutes plus tard, Morgane se mélangeait à la centaine d’élèves dévalant la pente en direction de la porte à double battant grande ouverte, emmitouflée dans son écharpe rouge et or, des mèches de cheveux d’ébène voletant un peu partout. Des dizaines de visages familiers traversaient son champ de vision, mais elle n’était pas d’humeur à se lancer dans des bonjours là maintenant.
Une fois dans le hall, elle chassa les gouttelettes d’eau restées sur sa chevelure, et se détacha de la foule qui affluait vers la Grande Salle. Son regard parcourut l’immense hall d’entrée, du grand escalier en marbre, jusqu’à la porte de la grande salle, en passant par les Sabliers géants. Elle esquissa un sourire, contente de se trouver là. Une flopée de souvenirs liés à ce hall s’immisça dans son esprit, telle une vague de chaleur. Ses yeux s’arrêtèrent sur le panneau d’affichage, qui grouillait déjà sous les annonces. Nouveaux profs, blablabla, Dolores Ombrage à Poudlard, renouvellement des équipes de Quidditch, préfets de cette année… Sourcils froncés, elle s’avança vers le tableau d’affichage, et ses yeux parcoururent la liste des préfets… simple curiosité. Elle faillit pousser un éclat de rire en voyant le ‘Pierrick McLaggen’. Il faut croire qu’il s’était assagi… ou que Dumbledore devenait réellement sénile [^^]. L’année promettait d’être joyeuse, à Gryffondor… Son regard divagua sur Serpentard, et dans la seconde qui suivit, elle eut un sursaut phénoménal. Tom Wildens… une autre vieille connaissance. Un autre souvenir qu’elle s’était efforcée de refouler au plus profond de sa mémoire. Sauf qu’elle n’avait jamais réussi à le faire. Elle laissa courir son regard sur les quatre tables qui se remplissaient progressivement. Un léger sourire se dessina sur les lèvres de la Gryffondor. Il ne s’attendait pas à la voir cette année, étant donné qu’elle était censée avoir fini ses études, pas plus d’ailleurs que n’importe quel élève de Poudlard. N’ayant prévenu personne de son ‘retour’ organisé un peu à la dernière minute, elle voyait déjà les têtes ahuries de Lyle ou Emily, pour ne citer qu’eux. Peut-être même que certains profs n’étaient pas encore mis au courant.
Sa bonne humeur lui revenait progressivement. Elle se mêla une fois de plus aux élèves affamés qui couraient presque rejoindre leurs tables, et s’installa à sa place habituelle, comptant les secondes avant que les gens ne la reconnaissent…

T_T

» Sky Appletown, 6e Année, AD.
» Emily C. Jones, 6e Année.
» Evy Heavenson, 5e Année, AD.
» Sam L. Richards, 5e année, AD.
» Jan Smith, 5e Année.