Un choc et des conséquences

L’être humain était l’incarnation même du paradoxe. On dit par exemple que l’on se ressemble tous, de par nos origines communes, que l’on se copie tous que ce soit inconsciemment ou pas, pour preuve il n’y a qu’à voir toutes ces sciences qui ont la prétention de pouvoir expliquer l’être humain, sa manière de penser et d’agir, nous réduisant tous à une espèce de stéréotype. Et pourtant, dans toute cette masse d’individus prétendument identiques, il y en avait qui faisaient briller vos yeux d’admiration, il y en avait que vous méprisiez, il y en avait qui vous rendaient verts de jalousie, il y en avait dont seul le prénom vous faisait vomir et il y en avait d’autres qui avaient le don de vous taper sur le système, qui savaient exactement comment s’y prendre et qui vous donnaient envie de les ligoter et servir à dîner à un acromantula géant. Les effectifs de cette dernière catégorie atteignaient les limites de l’incalculable dans la liste d’Avery Blackheart. Il y avait cette bande de commères deux mètres plus loin qui lui rebattait les oreilles avec leurs jacassements non stop et dénués d’intérêt, il y avait son imbécile de frère qu’elle ne supportait plus, il y avait ce tas de gryffondors, là, juste là, qui parlaient de mettre de l’arsenic dans le verre de X ou Y ou même X prime, Avery s’en fichait complètement, il y avait aussi cette vieille pie de McGonagall qui venait de lui remettre un devoir bâclé assorti de commentaires de dix minutes qui, en somme, se résumaient en cinq lettres : b-a-c-l-é, il y avait aussi cette foule d’élèves qui affluaient dans le couloir par vagues successives, empiétant sur son espace respiratoire déjà bien restreint, et il y avait ce cours d’elle ne savait plus quoi auquel elle n’avait absolument pas envie de se rendre.

Et parallèlement, il y avait ces choses complètement futiles qui ne vous rapportaient strictement rien, mais que vous aviez follement envie de faire, parfois même depuis le jour où vos synapses se sont formées, mais que vous n’aviez pas encore eu l’occasion de réaliser, comme par exemple sauter du haut d’un pont dans la Tamise, stupéfixer un pigeon, faire sonner la cloche d’une église à 22 :22 pétantes, faire la queue dans un magasin juste pour dire bonjour à la caissère, plonger dans un pot de peinture puis se coller contre une vitrine, et caetera, la liste peut se prolonger indéfiniment. Avery quant à elle, avait une folle envie de balancer quelque chose de fragile tel un objet en verre ou en cristal contre un mur et le voir se briser en mille morceaux, il paraît que ça défoulait, ou même une glace puisqu’au moment présent elle n’avait rien en verre ou en cristal, oui une glace ce sera parfait et au diable la prétendue malchance, de toute façon les superstitions c’était pour ceux qui n’avaient rien trouvé de mieux à raconter aux gens.

Voilà, et un mélange des deux donne quelque chose d’explosif-et-pas-seulement-au-sens-figuré-du-terme, à savoir une glace brisée contre une armure aux environs de onze heures du matin dans un couloir bondé de gens et une Avery Blackheart inexpressive au milieu du précité couloir, comme si elle attendait que le fait d’avoir brisé une glace lui procure une quelconque sensation. Et plus les millisecondes passaient, plus elle avait l’impression que rien, absolument rien n’était plus trivial.

-libre-

Raphaël Sebeck avait beau avoir un œil de lynx et une certaine perspicacité – une perspicacité certaine ! – il avait faux sur au moins un point. Avery, peu brillante dans les études ? Il est vrai que beaucoup de gens semblaient opter pour cette théorie, faute de mieux et surtout de contre preuves, à cause de la réputation que la jeune Blackheart s’était forgée en cinq ans. Il est vrai qu’elle était haïe de beaucoup de monde pour ne pas dire l’ensemble de la gente féminine de Poudlard et sans nul doute quelques énergumènes masculins. Il est vrai qu’elle n’avait aucune conscience, qu’elle cherchait à tirer un profit personnel de chaque situation et que c’était la pire des salopes que Poudlard ait connu – dans tous les sens du terme – mais s’il y avait bien une chose que l’on ne pouvait lui ôter (mis à part sa plastique à faire frémir de jalousie bon nombre de poupées sophistiquées), c’était son intelligence et un certain talent dans les matières qui comptaient. Avery plaçait son ambition personnelle au-dessus de tout le reste, il lui était donc inconcevable de ne pas réussir dans les études ; c’était plus ou moins la seule raison qui l’avait poussée à s’inscrire à Poudlard. Poudlard était, de réputation, la meilleure des écoles de sorcellerie, et certainement la plus à même de lui ouvrir la porte du métier qu’elle convoitait. Et comme Avery était du genre prête à tout pour atteindre ses objectifs, les cours comptaient. Comptaient vraiment.

Mais il était également vrai que le moment présent pouvait prêter à confusion. Toute cette agitation autour de la saint Valentin la rendait malade, et elle maudissait autant intérieurement qu’extérieurement cet enfoiré de Valentin qui eut l’idée de créer cette fête. Par ailleurs, Ombrage commençait à lui taper également sur le système, avec sa Brigade Inquisitoriale et les mini émeutes entraînées par ce mouvement anti Ombrage qui contaminait de plus en plus de monde. Alors, forcément, tout cela se répercutait sur ses devoirs qui devenaient de plus en plus creux. Forcément, elle ne suivait plus les cours à cause de ces nuits d’insomnie qu’Ombrage leur infligeait… patrouiller les couloirs… comme si les quelques Gryffondor/Poufsouffle/Serdaigle qui sortaient la nuit pour détériorer le matériel ou chiper des biscuits dans les cuisines étaient assez stupides pour se laisser prendre au piège… comme s’il ne s’agissait pas de vieux habitués qui connaissaient par cœur toutes les cachettes et moyens de dissimulation connus à ce jour – ou pas.

Mais bref, Avery gardait pour elle ces pensées anti-BI, puisqu’il était dangereux de se proclamer comme étant anti Ombrage de quelque manière que ce soit. De toute manière, Blackheart n’avait pas l’habitude de dévoiler ses pensées tout court. Alors elle gardait tout pour elle.

Jusqu’à ce fameux jour dans les couloirs où tout avait explosé. Le vase avait débordé. Elle avait attrapé une glace dans son sac et l’avait envoyé valser droit sur l’armure la plus proche, et la regarda se briser en mille morceaux, espérant peut-être secrètement que ces morceaux touchent quelqu’un (plus on est de fous plus on rit) qui viendrait la secouer un bon coup, la remettre en droit chemin – ‘droit’ selon la définition d’Avery bien entendu.

Le verre brisé ne toucha personne, mais en contre partie, quelqu’un qui semblait s’ennuyer au moins tout autant que Blackheart vint se joindre à la fête. C’était peut-être tant mieux que cette malheureuse glace n’ait pas fait de blessés, Dieu s’il existe sait qu’Avery n’avait pas besoin de problèmes supplémentaires. Se tournant lentement vers son interlocuteur, Avery eut la surprise de découvrit qu’il n’était nul autre que…

Raphaël Sebeck.

Les sourcils de la jeune blonde s’arquèrent sensiblement tant elle était surprise de le voir là. Raphaël Sebeck ne faisait pas partie des personnes avec lesquelles elle avait l’habitude de jouer. Serpentard digne de ce nom, arrogant à souhait, toujours manipulateur jamais manipulé, il figurait plutôt sur la liste des personnes avec lesquelles elle aimerait jouer ce qui serait sans doute un jeu dangereux. Il n’avait pas l’étoffe d’un Gryffondor ou d’un Poufsouffle ; comme Avery, il ne vivait que pour lui-même et comme Avery, il ne jouait que pour gagner.

Plissement d’yeux.

Ne pas se fier aux apparences… ni à ce qu’il y a derrière.

Après cette intercalation un peu énigmatique suivi d’une légère pause, elle enchaîna :

C’est juste une glace brisée. Un gâchis.

Une autre pause. Pendant laquelle le regard gris de la Serpentard transperça celui sombre de son interlocuteur.

Mais pourquoi cette question ? Chercherais tu par hasard à te défouler ?

Jour étrange. Mais il n'allait pas se plaindre, l'animation présentée même par une simple glace brisée au détour d'un couloir lui aurait suffit. A vrai dire, il aurait sortit son carnet, pris un stylo, émis un léger soupir avant d'inscrire à la page de cette personne (sisi, tout le monde avait une page dans le carnet de Raph'. Si ça faisait beaucoup? Bien sûr . Mais il l'avait ensorcelé de telle façon qu'on ne puisse soupçonner le nombre de pages ni à l'aspect, nia au poids, et qu'il en ait un nombre illimité. La grande calsse), je disais donc qu'il ajouterait à la page de cette personne: "Besoin psychologique fort de se défouler. Problème de non communication. Soucis personnels ? A creuser.". Et il aurait mené sa petite enquête, fouinant parmi les amis de cette personne, l'observant quelques jours pour comprendre cet accès de faiblesse, et aurait fini par trouver ce qui perturbait tant cette personne. L'affaire aurait vite été classée, et il n'y aurait pas eu de suite. Pourquoi je mets tout ça au conditionnel ? Parce que cela aurait du se passer, si ç'avait été n'importe quel élève. Mais ce n'était pas n'importe quel élève qui venait de commettre cet acte dépourvu de logique et de bon sens.

[EN cours ]