L'ombre du vent

* Tania * Mary, attention !

Trop tard... Une multitude de livres s'était déjà abattue sur son amie Serdaigle sous les yeux amusés des Serpentards assis à quelques tables des deux jeunes filles. Tania leur lança un regard noir, ponctué par d'autres paroles acerbes des verts et argent :

* Elève de Serpentard * Ouh.... Attention les gars, sinon la Serdaigle va nous balancer un livre !

Fou rire général, mais Tania ne s'en préoccupa pas, occupée d'aider Mary à se dépenétrer de toute cette montagne de livres. Madame Pince les rejoint alors, un air sévère sur le visage, sans doute plus inquiète pour ses précieux bouquins que pour la santé de la jeune élève. Enfin Mary sortit de la montagne de reliures, vacillantes et les joues aussi rouges qu'une pivoine. Tania soupira, puis la tint amicalement par l'épaule :

* Tania * Je t'avais dit de pas prendre ce bouquin... T'en fais toujours qu'à ta tête... T'aurais du être chez les Gryffondors si tu veux mon avis.

Mary se frotta la tête de sa main endolorie, dans une petite grimace de douleur, murmurant un vague " oui j'ai compris", gênée d'être ainsi la cible de petits rires moqueurs. Madame Pince intervint cependant, s'adressant autant aux Serpentards qu'aux deux Serdaigle :

* Mme Pince * C'est un lieu de travail ici, vous êtes priés de rester silencieux !

Les Serpentards affichèrent un air suffisant avant de replonger dans leurs devoirs, tandis que Tania jeta un bref coup d'oeil au livre rouge que Mary avait tenté d'attraper. Son intitulé " Mille et une petites créatures farouches", allait de paire avec le livre qui, une fois qu'on le prenait en main, tentait de déguerpir au plus vite. Et c'est ainsi que surprise, Mary en fit tomber tous les ouvrages de la dernière étagère. Tania était dans ses pensées, n'écoutant que d'une oreille les remontrances de Mme Pince quant à l'imprudence des élèves.

* Mme Pince * Un livre est quelque chose de précieux. Vous n'avez pas à vous balader dans la bibliothèque avec une dizaine d'ouvrages dans les bras, sinon vous essayez d'en prendre un autre sur l'étagère, et voilà ce qui arrive. Heureusement que les plus rares restent dans la réserve, sinon pauvre de moi, d'ailleurs...

Le regard de Tania se baladait sur les étagères, son instinct de Serdaigle reprenant le dessus. Elle analysait les titres qui attisaient sa curiosité, à moitié dans ses rêveries. Puis comme étrangement attiré, ses yeux de jais se posèrent sur un livre qui n'était visible que pour un oeil averti, la reliure rouge foncée était usée, et il semblait n'être composée que d'une petite centaine de pages. Tania se retourna afin de surveiller Mme Pince, de toute évidence la Serdaigle avait une idée derrière la tête. La bibliothécaire après tout de même s'être assurée que Mary n'avait rien, tourna les talons pour se diriger vers l'autre partie de la salle, tandis que l'amie de Tania se dirigeait vers elle, penaude.

* Mary * Tania ? On repart ? Parce que j'me suis fichue une de ces hontes...

* Tania * Heu....

Voyant l'hésitation de sa camarade, Mary adressa cependant un sourire à Tania, lui montrant qu'elle avait compris. Après tout les Serdaigles étaient connus pour leur soif de connaissance, aussi Mary n'éprouva aucun dérangement quant au fait que son amie souhaitait rester à la bibliothèque.

* Mary * Bah t'en fais pas, je comprends. On se voit pour le dîner !

Tania lui fit un grand sourire de remerciement, laissant Mary sortir seule de la bibliothèque. De nouveau elle jeta un regard autour d'elle. Personne ne l'observait, tous les élèves étaient plongés dans leurs devoirs, et Mme Pince était occupée à sermonner un élève qui avait osé renverser involontairement toute son encre sur l'un des ouvrages. Tania sortit alors rapidement sa baguette, et murmura tout en pointant la cible voulue :

* Tania * Accio livre...

Elle attrapa au vol l'ouvrage qu'elle avait visé, jetant une nouvelle fois un regard autour d'elle. Personne n'avait remarqué qu'elle avait osé lancer un sort sur l'un des précieux ouvrages de la bibliothécaire, du moins c'était ce qu'elle croyait. Tania se dirigea vers un coin de la salle, là où elle pouvait nourrir sa curiosité avec tranquillité. Elle s'assit à la table puis ouvrit d'un geste délicat le livre au devant duquel y était inscrit "L'Ombre du Vent" La jeune Serdaigle répéta le titre dans un murmure, avant de poser son regard sur la petite dédicace qui était en toute première page :

" Pour les courageux qui sauront en déchiffrer le contenu, ce livre sera votre"

Etonnement... Tania haussa les sourcils, ne comprenant absolument rien à ce charabia. Une Serdaigle, ne pas comprendre? Ca jamais... Voilà pourquoi Tania entreprit d'analyser chaque partie de la dédicace..

" Pour les courageux..."

* Tania * Ben déjà ce serait plus pour un Gryffondor...

" ...qui sauront en déchiffrer le contenu... "

* Tania * Si c'est aussi compréhensible que le fourchelangue, ça risque pas...

"...ce livre sera votre."

* Tania * Il appartient pas à la bibliothèque de Poudlard ?


Bien sûr toutes les paroles de la jeune fille étaient ironiques. Mais tant qu'à faire autant dédramatiser un peu la situation (si si, pour un Serdaigle, ne pas comprendre c'est dramatique :>.<: ) Tania tourna la page, et comble de l'étonnement, tomba sur des caractères runiques qu'elle n'avait encore jamais encore vu. La jeune Serdaigle prit le livre dans les mains, le soulevant à la hauteur de ses yeux, comme si elle tentait de mieux comprendre ce qui y était inscrit de cette façon là. Un papier glissa du livre, mais la Serdaigle ne fit pas attention. Puis elle tourna les pages une à une, toujours le même charabia. Mais étrangement, le livre n'était pas fini, il restait des pages vierges sur les vingt dernières pages. Qu'est-ce que c'était... Une incantation ? Une farce ? Une formule cachée ? Tania referma le livre et le retourna, elle se rendit compte en voyant la petite étiquette rouge qui était aposé sur son dos, que cet ouvrage n'avait rien à faire ici, mais qu'il provenait de la réserve. En contemplation devant le livre, Tania ne se rendit pas compte que depuis quinze bonnes secondes, une personne était restée postée en face d'elle, sûrement dans l'attente de lui demander si oui ou non elle pouvait s'assoir en face de Tania. Sans même écouter la question, peut être d'ailleurs ne s'agissait-il pas de cela, la Serdaigle répondit d'une voix faible :

* Tania * Non ce n'est pas pris, vous pouvez vous assoir.... Lasse de ne pas comprendre ce qui était inscrit dans ce fichu livre, Tania le referma d'un coup sec et continua pour elle même : Je confirme, c'est aussi compréhensible que le fourchelangue...

Un regard insistant posé sur son visage, sans lever les yeux on pouvait saisir l'attraction particulière que l'on pouvait susciter chez certains. Chose étrange, l'être humain arrivait toujours à sentir le regard de l'autre sur soit, sans même avoir posé ses yeux sur cet autre. Vibration ? Peu importe, Tania n'était pas en mesure à se poser des questions sans réponses, absorbée par les signes runiques de son étrange livre. Elle leva les yeux doucement, d'abord surprise, puis esquissant un sourire poli en retour du jeune élève en face d'elle. Ou de LA jeune élève. Aucune idée à vrai dire, et Tania se laissa prendre à son tour à la contemplation des autres. Un visage fin, des traits régulier et doux, mais comme une rayonnace masculine, une sorte de yin et de yang personnifés en la personne de Nephentes. Intriguée, Tania finit par plonger son regard de jais dans ceux azurés du Gryffondor, ne voulant pas mettre ce dernier mal à l'aise, quoiqu'il avait l'air d'avoir suffisament confiance en lui pour ne pas mal interpréter sa façon de l'observer. Ses yeux glissèrent sur son blason à l'effigie d'un Gryffon, et abandonnant un instant son livre, la Serdaigle ne put que poser une question banale :

* Tania * Ah... Tu es de Gryffondor ?

Quelle idiote, bien sûr que Nephentes était de cette maison, à moins d'avoir séquestré Potter dans un cachot et d'avoir revêtu son uniforme... Mais elle ne savait pas quoi dire d'autre, la persistance de ces yeux bleus sur elle était légèrement gênant. Tania baissa les yeux, elle n'arrivait jamais à soutenir un regard, signe inconscient de sa faiblesse de caractère sans doute.
Elle aurait voulu garder le livre pour elle même, l'analyser seule, s'amuser à le décrypter. Et il n'y avait bien que les Serdaigles pour trouver un tel amusement. Mais ne trouvant rien d'autre à dire, se refusant à replonger son nez dans le livre sans prêter attention à Nephentes qui en un sens semblait fascinant, son langage tacite ne faisant qu'accentuer ce trait particulier, la Serdaigle fit glisser le livre jusqu'au Gryffondor.

* Tania * J'ai trouvé ça entre deux livres de potions. Je sais que Poudlard regorge de secrets, mais de là à laisser trainer un bouquin comme ça.

Elle croisa les bras, se pencha quelque peu sur la table afin de garder un oeil sur le livre à la reliure usée. Puis une autre question lui vint à l'esprit, et qui sans doute pourrait l'aiguiller quant à l'identité de son interlocuteur.

* Tania * Je m'appelle Tania au fait...

Tania lui jeta un regard insistant qui semblait vouloir dire "et toi ? " , les sourcils levés en attente impatiente de la réponse. Puis une réprimande vint rompre le silence, Madame Pince vociférait contre un élève, et au vu du caractère peu facile de la bibliothécaire, Tania ne put retenir un rire étouffé. Le personnel de Poudlard était parfois bien étrange, mais elle avait la preuve que les élèves avaient eux aussi leur part de mystère.

Un regard velours nimbé d'interrogations, comme s'éveillant à peine de précieux songes, des yeux encore rêveur, deux pupilles inquisitrices mais pudiques, une attention à déconcerter plus d'un auditeur, mais Névé s'était accoutumé aux regards acérés des sorciers éthérés, n'avait il pas rencontré dans des temps reculés, le regard le plus acéré des leurs?
De ceux qui transpercèrent ses masques pourtant bien rodés, de ceux qu'il dût fuir pour sa propre sécurité.
Allons, allons Névé, c'est le passé, un an déjà, tu as eu le temps de te remettre, de te parer d'autres boucliers, plus opaques.

Une voix mélodieuse, hésitante, interrompant ses pensées moribondes, l'affrontement des regards cessa, teinté d'une pudeur exacerbée, Nepenthès était-il à sa place?
Qui aurait bien pu le lui confirmer, un gryffon aux ambiguïtés qui aurait très bien pu être serpent.

Et l'oeuvre qui glissait, s'approchant de mains délicates mais griffées de parts et d'autres. L'androgyne couva le grimoire d'un examen silencieux, effleurant couvertures et pages comme d'une caresse voluptueuse, un nom fusa soudain, et Nepenthès releva la tête, fixant de nouveau son regard dans son miroir d'ébène, s'apprêtant à répondre lorsque...

"La bibliothèque ne se prête pas aux rencontres et flirts d'adolescents, jeunes gens! C'est un lieu d'études sérieux!
Taisez vous, ou sortez! Ayez le respect silencieux!"

L'adolescent esquissa un sourire, s'inclina vers l'acariâtre gérante de ses lieux

"L'ambiance studieuse de cette antre amène forcément à la découverte de ses âmes égarées, et certains exilés se plaisent à découvrir chacune de leur face, les appréciant à juste titre, comme d'une encyclopédie riche d'enseignement ou d'un roman trépidant..."

"et maudit" termina t-il dans un murmure, un regard pour sa voisine, mais toujours enjôleur vers le cerbère de ses lieux.

"Veuillez accepter mes plus humbles excuses d'avoir troubler un temps, vos lumières d'une intervention malvenue."

Il n'attendit pas la réponse de l'énergumène pincé de son insolence charmeuse et ajouté dans un souffle:

"Névé.
Mais je crois que l'on gène, je vais peut-être te laisser à ta contemplation pour ne plus perturber ce mausolée de la connaissance." ponctua -t-il d'un clin d'oeil et sourire affable.

"La bibliothèque ne se prête pas aux rencontres et flirts d'adolescents, jeunes gens! C'est un lieu d'études sérieux! Taisez vous, ou sortez! Ayez le respect silencieux!"

Le respect silencieux ? Mais était-on dans un cimetière de livres? Le monde était-il tellement à sa perte que l'on n'exigeait d'une bibliothèque qu'elle soit sacrée et non souillée par les paroles des blasphémateurs ? Balivernes... La Serdaigle lança un regard de glace à la maitresse des lieux, non seulement elle ne racontait qu'abusrdités, mais en plus elle l'empêchait de se prêter conversation avec une autre personne, conversation et compagnie qu'elle appréciait. Egocentrisme ? Non, seulement lucidité... Ses yeux posés sur la bibliothécaire, Tania se contenta de rajouter à voix basse :

* Tania * Laisse, il n'y a pas pire personne plus acâriatre qu'elle.

Tania haussa les épaules, et elle aurait certes continuer sur le fait que la gérante des lieux n'avait certainement que des livres taciturnes pour seule compagnie, mais la phrase menaçante de la bibliothécaire prononcée à l'instant lui ôta les mots. Non approbation des règles, mais respect tout de même, Tania n'était pas Serdaigle pour rien. Elle reposa son regard sur Névé, et celui-ci n'était plus roc, feu, glace, ses prunelles étaient habitées d'une langoureuse douceur.

La jeune fille sourit quant aux dires de son camarade Gryffondor, un sourire qui s'illumina soudain d'un magnifique regard de bienvenue, comme si elle l'accueuillait pour la deuxième fois. On n'accueillait jamais assez bien ses "invités", d'ailleurs chaque personne dont on faisait la connaissance en était une. Sondant l'âme de l'autre, on y posait son regard curieux mais aux premiers abords on n'osait y fouiller.

Puis il s'excusa... Pourquoi ? Tania avait sans doute été trop insistante sur son regard, quelle idiote... Est-ce qu'elle avait envie de se faire passer comme toutes ces autres personnes, qui dès qu'elle étaient face à une situation inhabituelle réagissait de façon commune et prévisible ? Loin de là... D'ailleurs son regard surpris s'effaça vite au profit d'une ombre de complicité. Tous les deux étaient enchainés aux dures lois du silence de ces lieux.

* Tania * Non te t'excuse pas.. Vraiment... Ca me fait du bien d'avoir une vie sociale mis à part la compagnie des livres.

Autodérision, il était vrai que les Serdaigles étaient réputés pour ne jamais lever leurs nez de leurs ouvrages, mais au moins Tania avait peut être fait comprendre à Nephentès qu'elle appréciat sa compagnie. Et malgré les éclairs réprobateurs que lui lançaient la bibliothécaire par dessus ses lunettes, Tania continua dans sa lancée insolente envers la gérante.

* Tania * C'est moi qu'il faut excuser... Je voulais pas réagir de façon banale.... ou non ... ou heu j'en sais rien...

Comment les autres réagissaient-ils face à une personne androgyne ? Aucune idée, voilà pourquoi Tania sema le trouble dans son esprit soudain. Est-ce que la question se posait ? C'était un élève comme les autres... Double trouble, elle avait implicitement dit que Névé n'était pas comme les autres. Cela se disait-il ? Non, il ou elle était come les autres... Mince mais qu'elle se sentait stupide, elle et ses éthiques... Puis Tania haussa les épaules d'un air gêné. Névé... Finalement son prénom ne l'avançait pas plus, mais après quelques secondes d'échanges verbaux avec le Gryffondor, elle s'en fichait finalement. Ce dernier était d'agréable compagnie après tout, et ce n'était pas pour Tania une question existencielle.

La bibliothécaire s'avança alors vers eux d'un pas décidé, un air pincé affiché sur le visage. Tania leva les yeux sur cette dernière, et à force de côtoyer la bibliothèque, elle en connaissait les moindres réactions de la maitresse des lieux.... Qu'elle était prévisible...

* Tania * Exposé pour un cours de runes... Tous les deux... On ne peut que travailler ici, c'est un lieu de travail, pas vrai ?

La Serdaigle avait posé sa question sur un air faussement naïf, comme si elle ignorait la réponse de la bibliothécaire. Bien sûr que c'était un lieu de travail, que pouvait-elle dire d'autre ? Cependant celle-ci les regarda d'un air soupçonneux, tel des voyous s'apprêtant à mettre le feu aux ouvrages , membres sectaires de l'autodafé... Puis elle repartit enfin, et consicente du fait que la mégère allait garder un oeil sur eux, Tania rajouta d'une voix audible seulement pour Nephentès.

* Tania * Enchantée Névé... La bibliothèque n'est pas propice au papotage, mais après tout j'ai le droit d'expression non ? Tu viens souvent ici ?