En solitaire ¤ouvert!!!¤

Ce matin était triste à pleurer. Le brouillard était bien la seule chose qui pouvait empêcher Kirinia d'aller courir. Aussi était-elle restée "tard" dans son lit ce jour là. mais toute indication de temps la concernant était relative puisque, ce qui était tard pour elle était tôt pour les autres. La jeune fille avait, en effet, l'habitude de se lever vers les 4/5 heures du matin... Se lever à 7h était donc pour elle se lever tard... Enfin bref. Il était très tard, pour elle, se matin là lorsqu'elle se décida enfin à s'asseoir dans son lit. A travers la vitre, elle pouvait voir le brouillard dissimulant le ciel gris et la campagne anglaise. Sa Russie lui manquait. Nul ne pouvait se douter de combien elle regrettait Durmstrang. La nostalgie brilla un instant dans son regard tandis qu'elle repensait aux pleines dores et déjà enneigées en cette saison.

Elle rabattit les couvertures et balança ses pieds nus sur le parquet de la chambre. Ses jambes blanches ressortaient sur le sol foncé de la pièce, mais elle s'en moquait. L'air était légèrement frais, le feu s'étant éteint dans la nuit. Mais peu importait à cette jeune fille vêtue simplement d'un short et d'un débardeur. Elle se dirigea vers son armoire et attrapa quelques vêtements. Curieusement, malgré le temps, elle avait décidé de se la jouer féminine, aujourd'hui. Une envie de plaire à quelqu'un? Non... Juste l'envie de montrer que le temps qu'il faisait ne comptait pas. Elle prit donc une jupe plissée noire qui lui arrivait à mi-cuisse avec un chemisier en soie clanche et un petit gilet noir. Elle prit également un collant couleur chair et des sous-vêtements avant d'attraper une paire de petites chaussures à bouts ronds et à talons hauts. Ainsi habillée, elle savait pertinemment qu'elle aurait un look entre collégienne et lolita, mais elle aimait bien cela.

Elle prit en passant son nécessaire de toilette et se dirigea vers la salle de bain. Après une douche chaude mais rapide, elle s'essuya et se regarda dans la glace. Kirinia savait qu'elle était une jolie fille. Les regards des gens croisés dans la rue ne trompaient pas. Mais une question pourtant se posait. Pourquoi n'avait-elle personne? A part une brève aventure avec Krum, elle n'avait jamais eu personne. Etait-ce le temps qui lui rappelait cela? Elle haussa les épaules et commença à s'habiller. Ses cheveux mouillés plaqués à son visage et à son dos lui donnaient l'air d'un ange, il fallait le reconnaitre. Elle glissa sa serviette autour de sa tête et les essora comme il se devait avant de finir de s'habiller et de les brosser soigneusement. Lorsqu'elle eut terminé, ils étaient aussi lisses que le satin. Pour compléter l'ensemble, elle décida de se passer un peu de gloss sur les lèvres. Elle sourit au miroir et sortit de la salle de bain.

Après être repassée par le dortoir pour déposer ses affaires, elle se dirigea, enfin, vers la Grande Salle pour prendre son petit déjeuner. Cette pièce lui semblait toujours aussi inconnue, même après deux mois. Mais enfin... C'était ainsi et elle devait bien faire avec, après tout... La crysallide poussa un petit soupir et s'approcha de sa table. Elle n'était qu'en 5e année. Elle était là encore pour un bon moment... Et elle n'avait toujours aucun ami... Elle attrapa un bol de lait, quelques tartines et un oeuf au plat et commença à manger, espérant, presque, que quelqu'un viendrait rompre sa solitude. Elle avait, d'ailleurs, sa baguette sous la main pour le cas où, afin de pouvoir comprendre son interlocuteur/trice.

Emma avait encore passé la nuit à regarder le ciel. Chose quelque peu complexifiée au fur et à mesure que la nuit avançait par le brouillard qui se levait et les nuages qui l'obscurcissaient de plus en plus. Au petit matin, elle avait dû déclarer forfait, et, comme ses camarades de chambrées dormaient encore, avait hésité, puis s'était décidée à aller prendre son petit déjeuner avant qu'il n'y ait trop de monde. L'avantage des week-ends, c'est qu'elle pouvait se débrouiller pour choisir ses horaires en fonction de ceux des autres. Elle était donc sortie sans bruit des dortoirs, avait pris une douche très chaude et pour le moins longuette, histoire d'effacer un peu le manque de sommeil, et, une fois vêtue d'un t-shirt large et d'un baggy noirs, elle était descendue à la Grande Salle. Son pendentif tanguait au rythme de ses pas, et bien vite, elle le replaça sous son t-shirt, où il ne risquait ni d'être vu, ni de s'accrocher à quoi que ce soit. Ses cheveux encore humides - elle n'avait que pris le temps de les essorer dans une serviette et de les démêler rapidement - gouttaient un peu sur le coton de son haut, mais c'était le genre de détail dont elle se fichait éperdument, et elle espérait même qu'il n'y aurait personne pour le remarquer.

Grossière erreur. Lorsqu'elle poussa la porte de la Grande Salle, elle y trouva quelques élèves matinaux déjà attablés, dont notamment la grande de sa maison qui avait parlé italien à quelques reprises. Souvent pour jurer d'ailleurs. Ca l'avait faite sourire, elle qui utilisait d'ordinaire l'anglais dans la vie de tous les jours, le gallois pour les lettres à son frère, et l'italien pour les jurons... La question qui s'imposait à elle, à présent, c'était : est-ce que je vais m'asseoir tout au bout dans mon coin - ce qui ne serait pas très poli - ou est-ce que je fais un effort pour aller m'asseoir près d'elle ? Cruel dilemme qu'elle fini par trancher en s'installant non pas à côté de Kirinia, mais quelques places plus loin, en face.

- Buongiorno, fit-elle timidement en prenant place, avant de plonger le nez dans le bol de chocolat et la brioche qui étaient apparus devant elle.

A sa grande surprise, la Russe ne tarda pas à voir apparaître une fille de sa maison. Du moins, si elle se souvenait bien des têtes qu'elle voyait depuis deux mois... Il fallait avouer que, ne parlant pas à grand monde du fait de la barrière de langue, elle n'avait pas cherché à retenir les noms des gens... Mais quelque chose, chez cette fille plus jeune qu'elle l'intrigait. C'était sa façon de toujours chercher à passer inaperçue. En y réfléchissant bien, oui, Kirinia se souvenait d'avoir vu cette fille dans certains cours, et dans le dortoir. Elle était donc bel et bien de sa maison. Elle la regarda hésiter sur la place où elle allait s'asseoir et en profita pour la détailler.

Tout dans son apparence montrait un manque de confiance en soi évident, du large tee shirt noir au baggy de la même couleur. Elle ne semblait pourtant pas si grosse que ça pour se sentir obligée de dissimuler son corps... La Russe haussa un sourcil fin, légèrement interrogateur à cette vision. Mais elle n'en dit rien. De toute façon, qu'aurait-elle pu dire? Elle n'aurait sans nul doute pas été comprise de toute façon...

La fillette, puisque par rapport à elle c'est ce qu'elle était, s'installa presque en face d'elle, sous le regard curieux de la Russe. Mais ce qui la surprit le plus, ce fut non pas son entrée, non pas son accoutrement, mais le fait qu'elle s'adresse à elle en italien avant de se dissimuler derrière son petit déjeuner. Cette fois, ce ne fut pas un mais ses deux sourcils qui se haussèrent. Etait-ce simplement un mot appris par coeur comme elle pouvait dire bonjour en anglais, ou la fille parlait-elle réellement l'italien? Avec malgré tout un fort accent russe, Kirinia lui répondit en italien.

"Bonjour. Bien dormi?"

Emma leva le nez de son bol de chocolat et ouvrit des yeux ronds. Pourquoi la fille lui parlait ? C'était tellement inhabituel, qu'elle eut besoin d'un instant pour comprendre. Ah oui... Il n'y avait pas grand monde à vrai dire... Et puis elle lui avait dit bonjour dans une langue qu'elle avait l'air de comprendre, elle l'avait cherché aussi. Evidemment, elle s'en mordait les doigts maintenant. Qu'est-ce qu'elle allait bien pouvoir lui dire ?

Elle lui demandait si elle avait bien dormi... Ca faisait une éternité que plus personne ne s'était inquiété de ça... Depuis que Lusignan n'avait plus donné signe de vie en fait... Non, un peu après, Maman posait quand même la question, même si elle ne poussait que rarement la conversation plus loin. Elle hésita légèrement sur la réponse à apporter, puis décida que ça ne changerait rien de toute façon, la journée étant libre, ça ne changerait pas grand chose qu'elle lui dise la vérité.

- En fait, je n'ai pas encore dormi... Je regardais le ciel avant qu'il se couvre.

Elle se demanda un instant si elle n'avait pas parlé un peu vite, la fille ayant quand même un fort accent slave. Et puis finalement, ça n'était pas grave si elle ne comprenait pas tout, elle passerait moins pour quelqu'un de bizarre...

- Je pensais déjeuner et aller dormir un peu...

Machinalement, comme elle était dans l'embarras, elle porta la main à son pendentif et le tritura quelque peu nerveusement. Depuis qu'elle était là, elle avait rarement adressé la parole à quelqu'un, et elle se demandait comment ça allait finir ça... Et si elle se moquait d'elle ? Elle essayait de se persuader que ça ne serait pas trop grave, qu'il n'y avait pas grand monde, et que de toute façon, après, plus personne ne ferait attention à elle... Oui, mais la russe pourrait bien la montrer du doigt aussi... Son visage s'empourprait encore, et elle baissa de nouveau le regard sur son petit déjeuner...

Apparemment, la fille ne s'attendait pas à ce que Kirinia lui réponde. La jeune Russe se demanda un instant pour quelle raison cette fille semblait presque terrorisée que l'on se soit adressée à elle. Etait-elle agoraphobe? Peut-être... A moins qu'elle ne soit d'une timidité maladive et que ce fut la raison de sa crainte qu'on lui adresse la parole... Très observatrice, Kirinia avait déjà remarqué cette fille tapisserie qui semblait vouloir être partout tout en étant invisible. Mais au moins ne faisait-elle pas de mal, ce qui faisait que Kitty n'avait rien contre elle. Bien au contraire, cette fille l'intrigait. Et puis... Il fallait dire qu'elle avait un atout: la Russe n'avait pas à se torturer les méninges pour comprendre ce qu'elle disait, puisqu'elle parlait l'italien.. Et c'était, il fallait l'avouer un gros atout en sa faveur, même si elle n'était qu'en 3e année et elle-même en 5e année...

- En fait, je n'ai pas encore dormi... Je regardais le ciel avant qu'il se couvre.

Kirinia hocha la tête. Elle comprenait ce que voulait dire la fillette. Après un temps de silence, elle répondit en cherchant ses mots:

"Je vois ce que tu veux dire... Moi aussi, j'aime à regarder le ciel, de temps en temps... C'est apaisant... Mais je préfère me défouler en faisant du sport, je dois bien l'avouer..."

- Je pensais déjeuner et aller dormir un peu...

"Heureusement qu'on est le week end, alors... Tu vas pouvoir rattraper ton sommeil en retard... Moi, je ne sais pas encore ce que je vais faire, aujourd'hui... Pas de sport dehors, ça c'est sur... Tu ne saurais pas s'il y a un endroit où l'on peut faire du sport, entre ces murs?"

Du sport... Emma haussa les épaules, et avala un morceau de brioche avant de répondre.

- Moi, c'est le sport qui m'aime pas... Que je fasse des efforts ou pas, ça change rien.

Les cours de vol lui restaient en mémoire... Oui, elle savait voler, un peu. Mais elle était loin de faire des merveilles, et même avec la meilleure volonté du monde, elle ne rattrapait jamais les autres... C'était pareil quand ils jouaient à imiter les sports moldus avec Lusignan. Soit elle se faisait mal, soit elle n'arrivait tout simplement à rien. Pourtant, elle s'acharnait pour faire comme lui... Son regard se voila un instant comme elle pensait à son frère. Comment la fille avait qualifié le ciel déjà ? Apaisant ? C'était bien plus que ça pour Emma... C'était son refuge, et un univers tellement passionnant aussi... Un soupir passa ses lèvres. Kirinia lui indiqua que du fait du week-end, elle allait pouvoir rattraper son sommeil en retard.

- C'est plus parce que c'est le week-end que j'ai tant de sommeil à rattraper. Je me serais peut-être couchée avant si on avait été en semaine...

Elle sembla réfléchir un moment à la dernière question de la russe, puis secoua légèrement la tête.

- Non, désolée Kirinia, je ne sais pas du tout... Peut-être que les dernières années sauront elles...

Ô exploit, elle avait cité le prénom de la jeune fille... Parce que oui, Emma avait une bonne mémoire, et après toutes les séances de présentations des élèves, elle avait noté le prénom de pas mal d'entre eux. Mais de là à appeler les gens ainsi, il y avait un gouffre. Ca créait beaucoup de proximité de s'adresser à quelqu'un par son prénom. Et ce n'était pas spécialement ce qu'elle recherchait, il fallait l'avouer.

C'était pourtant venu naturellement avec Kirinia, peut-être parce que celle-ci, à sa manière, était isolée des autres, et que ça créait un lien ? Bon, la russe était super jolie, sûre d'elle, et tout, et tout, pas grand chose à voir avec Emma, mais c'était déjà un petit quelque chose. Et puis elle parlait italien. La langue de maman... Et puis surtout, elle venait de Durmstrang... Mais elle n'oserait pas lui poser de question sur son frère, si ça se trouve, elle ne le connaissait même pas... Pourtant, c'était pas l'envie qui manquait des fois... Une petite pointe de curiosité attisée par le fait que la 5e année lui parle normalement - chose rarissime ! - lui fit quand même demander d'une toute petite voix.

- C'est comment Durmstrang par rapport à ici ?

Kirinia sourit à la jeune fille en face d'elle. Son visage ne lui était pas tout à fait inconnu, bien qu'elle ne l'ait jamais vue avant. Mais elle ressemblait à une personne qu'elle avait cotoyé à Durmstrang. Mais peut-être se trompait-elle... Elle haussa les épaules brièvement, de façon quasiment imperceptible et écouta les réponses que celle-ci lui donnait.

Moi, c'est le sport qui m'aime pas... Que je fasse des efforts ou pas, ça change rien.

Elle esquisa un nouveau sourire et répondit:

"Je crois, effectivement que certaines personnes sont faies pour le sport, d'autres pas..."

Elle vit alors le regard de la jeune fille s'attrister et se demanda un instant à quoi elle pouvait bien penser. Sans doute à un souvenir, une situation qui ne pourrait jamais exister à nouveau... Comme elle-même à Durmstrang, à prendre des cours de vol avec Krum. Son propre regard se voila à son tour. Krum lui manquait vraiment... C'était la personne dont elle avait été la plus proche pendant ses 4 années à Durmstrang.

C'est plus parce que c'est le week-end que j'ai tant de sommeil à rattraper. Je me serais peut-être couchée avant si on avait été en semaine...

"D'accord... Je vois, je vois..."répondit-elle simplement.

Non, désolée Kirinia, je ne sais pas du tout... Peut-être que les dernières années sauront elles...

"Tant pis, alors... Mais je n'aime pas rester inactive..."

Sa langue claqua dans sa bouche à l'idée de ne rien faire de la journée. Elle se pencha pour manger un peu quand Emma lui posa une question.

C'est comment Durmstrang par rapport à ici ?

L'on aurait pu croire qu'elle n'avait pas entendu la question, tant elle prit son temps pour répondre.

"Et bien... C'est très différent d'ici. On ne trouve pas les mêmes choses, mais bon.. On s'y fait..."

"Tant pis, alors... Mais je n'aime pas rester inactive..."

Emma sembla songeuse à cette réplique... Pour elle, ne pas faire de sport ne signifiait pas forcément rester inactive, il y avait plein d'autres activités possibles. Bon évidemment, quand on écrit, ou qu'on observe les étoiles, on transpire beaucoup moins. Mais pour la galloise, ça n'était pas forcément un mal... Elle resta cependant sur sa faim quand la russe lui répondit au sujet de Durmstrang.

"Et bien... C'est très différent d'ici. On ne trouve pas les mêmes choses, mais bon.. On s'y fait..."

- Différent comment ?

Avant qu'elle ait pu y réfléchir, la question était sortie de sa bouche. Elle sentit ses joues s'empourprer et baissa le regard. Lusignan y était, en 5ème année maintenant... Ils avaient peut-être été ensemble dans certains cours ? Elle imaginait que les choses se déroulaient peut-être comme à Poudlard, au moins au niveau des matières enseignées, peut-être au niveau des maisons aussi...

"Il faut que j'arrête d'y penser, il ne me répond jamais, ça sert à rien..."

Mais c'était plus fort qu'elle. Kirinia savait peut-être pourquoi il ne répondait jamais à ses lettres, peut-être qu'il y avait des règles particulières à Durmstrang qui l'en empêchaient ? Peut-être que tout ce qu'elle avait entendu sur les conditions de vie là-bas étaient vraies... Elle avait maintes fois imaginé le pire, ne sachant pas ce que devenait le seul être auquel elle tienne vraiment, même plus que Maman.

- Est-ce que... Est-ce que vous revenez chez vous de temps en temps ? Est-ce que vous pouvez correspondre avec vos proches ? On entend dire que c'est très difficile là-bas par rapport à ici... Comme un camp militaire... Est-ce que... Est-ce que ça arrive que des élèves soient blessés ou...

Elle laissa sa phrase en suspens, comme si dire ce qu'elle redoutait pouvait y donner corps. Ses yeux restaient rivés sur son petit déjeuner, elle n'osait plus relever la tête, mais au coin de ses paupières, brillaient quelques larmes qu'elle s'efforçait de retenir. Elle devait avoir l'air stupide. Pour changer...

- Je te demande pardon, Kirinia, je ne devrais pas t'embêter avec tout ça...

- Différent comment ?

"Et bien..."

L'on pouvait dire que la jeune Serdaigle venait de lui poser une colle. Kirinia n'avait, en effet, aucune idée de comment expliquer la différence entre Poudlard et Durmstrang, alors que celle-ci était évidente... Ou plutôt, elle n'avait pas les mots, même en italien. Il fallait le faire... C'était, pourtant, l'une de ses deux langues maternelles... Comment donc allait-elle pouvoir faire pour expliquer à sa compagne ce que celle-ci semblait tant vouloir savoir, au point de rougir de son impétuosité à poser cette question elle qui semblait si réservée en temps normal...

La fillette sembla alors se plonger dans ses pensées, ce qui lui rappela plus ou moins quelqu'un. Mais la Russe était incapable de se rappeler qui. Une chose était sûre, cette jeune fille avait réellement un air de ressemblance avec une de ses connaissances.

- Est-ce que... Est-ce que vous revenez chez vous de temps en temps ? Est-ce que vous pouvez correspondre avec vos proches ? On entend dire que c'est très difficile là-bas par rapport à ici... Comme un camp militaire... Est-ce que... Est-ce que ça arrive que des élèves soient blessés ou...

Il semblait, pourtant, que la curiosité d'Emma au sujet de Durmstrang l'emportait sur sa timidité maladive, timidité qui semblait l'obliger à dissimuler son corps derrière des vêtements informes. Mais cela n'était pas le plus important...

"Et bien..."

De nouveau, elle eut un temps d'hésitation devant cette foule de questions et tenta de reprendre du mieux qu'elle le pouvait:

"Et bien... Oui, on peut recevoir du courrier et en envoyer. Mais c'est contrôlé par le directeur de l'école, et ce sont les directeurs de maison qui les distribuent. Il peut arriver, parfois, qu'ils soient au courant du contenu des lettres et ils peuvent choisir de ne pas les distribuer. Pour les cours, et bien... On apprend principalement les potions, la magie noire, la défense contre les forces du mal, la métamorphose... Quand un élève est blessé, il est soigné... Depuis que j'y suis, il n'y a pas eu de mort, enfin... Je crois..."termina-t-elle d'une voix hésitante en réfléchissant.

Elle se rattrapa cependant rapidement en lachant:

"En fait, non... Il n'y en a eu aucun, j'en suis sûre..."

Avait-elle vu l'inquiétude dans le regard d'Emma? Quoiqu'il en soit, elle, se décala pour se mettre face à la troisième année et posa sa main sur le poignet de la jeune fille au moment où celle-ci s'excusait.

- Je te demande pardon, Kirinia, je ne devrais pas t'embêter avec tout ça...

"Qu'y a-t-il, Emma? Tu connais quelqu'un là bas? Et tu t'inquiètes?"

Emma garda les yeux baissés tandis que la voix de son aînée s'élevait pour répondre à sa question. Le courrier était donc contrôlé... Qu'est-ce qu'elle écrivait qu'ils jugeaient bon de ne pas transmettre à Lusignan ? Ou est-ce que c'est ses réponses qu'ils n'envoyaient jamais ? Une petite étincelle d'espoir brilla dans son coeur, bien qu'elle ne perçât que difficilement la noirceur de l'angoisse qui l'étreignait. Peut-être qu'il ne l'avait pas oubliée finalement...

"Quand un élève est blessé, il est soigné... Depuis que j'y suis, il n'y a pas eu de mort, enfin... Je crois..."

Elle croyait ? Le doute subsistait, et la fillette releva vers la russe un regard paniqué. Même lorsque l'autre serdaigle ajouta qu'elle était sûre à y réfléchir qu'il n'y avait eu aucun mort, l'inquiétude ne quitta pas les traits de l'enfant. Ses yeux pleins de larmes restaient figés sur son aînée et elle sembla un instant pétrifiée lorsque Kirinia se rapprocha et posa une main sur son poignet.

"Qu'y a-t-il, Emma? Tu connais quelqu'un là bas? Et tu t'inquiètes?"

C'était plus qu'il n'en fallait pour faire craquer la fillette. Les larmes roulèrent sur ses joues comme elle laissait sortir des sanglots bien longtemps retenus. Oui elle s'inquiétait, oui elle connaissait quelqu'un là-bas, et c'était la personne qui comptait le plus pour elle. Sa voix semblait s'être bloquée au fond de sa gorge quand elle tenta de répondre un faible "oui".

Elle leva les mains vers son visage, pour dissimuler ses pleurs. Elle s'était à peine rendu compte que sa camarade l'avait appelée elle aussi par son prénom, signe que d'une manière ou d'une autre, elle l'avait retenu. Il y avait donc des gens qui la voyaient, malgré ses efforts pour passer inaperçue...

Après plusieurs minutes, elle murmura simplement :

- Mio... fratello...

Et si sa voix ne transmit pas la suite, elle poursuivit en pensée "mio sole"...

Kirinia observa attentivement les réactions de la troisième année face à elle. Elle semblait frémir à chacune de ses réponses. Nul doute qu'elle connaissait effectivement quelqu'un là-bas. Elle semblait avoir peur dès que Kirinia ouvrait la bouche, tout en laissant parfois échapper quelques petits soupirs à peine visibles mais rapidement remplacés par l'inquiétude. Quand elle parla des blessures qu'il pouvait parfois y avoir à Durmstrang, elle vit Emma se raidir brusquement. Son impression qu'elle connaissait quelqu'un là-bas se renforça. Et au regard paniqué qu'elle lui avait lançé, Kirinia lui avait répondu qu'en fait, elle était sûre qu'il n'y avait eu aucun mort. Pourtant, la magie n'était pas sans danger... Tout le monde le savait. Mais une chose était sûre, il ne fallait pas inquiéter davantage la jeune fille qui lui faisait face...

Kirinia avait alors posé sa main sur le poignet d'Emma et demandé à celle-ci la confirmation de ce qu'elle pensait. Son autre main se tendit à travers la table pour venir essuyer une larme qui roulait sur la joue d'Emma. Ses gestes étaient emplis d'une douceur incroyable et son regard était en adéquation parfaite avec ses gestes d'une tendresse toute maternelle. A se demander, presque, d'où la jeune fille tenait cela.

Quand Emma éclata en sanglots, Kirinia la lâcha un instant, le temps de s'asseoir sur la table et de balancer ses jambes de l'autre côté pour se retrouver à côté de la 3e année qu'elle prit purement et simplement dans ses bras. La dureté apparente de Kirini venait de disparaitre. Elle semblait avoir pris en affection cette toute jeune fille qui semblait aussi perdue qu'elle-même lorsque son père avait cessé tout à coup de la frapper le jour où elle avait dévoilé ses pouvoirs. Kirinia commença alors à caresser doucement les cheveux d'Emma en lui murmurant des paroles de réconfort en russe, sans s'en rendre compte, comme sa mère faisait quand elle était petite.

Enfin, Emma lui répondit. La fillette n'avait pas dû se rendre compte que son "oui" n'était pas sorti de sa bouche...

- Mio... fratello...

Son frère... Kirinia aurait dû s'en douter... Son inquiétude était telle qu'elle n'aurait pu être pour personne d'autre qu'un frère ou une soeur... En l'occurence, la personne qui manquait tant à Emma était un représentant du see mâle, comme Kirinia aimait à dire. Cela expliquait sans doute pourquoi la fillette rappelait quelqu'un à la Russe sans que celle-ci puisse se rappeler qui... Si les ressemblance entre garçons et filles d'une même famille étaient souvent perceptibles, elles étaient toujours moins flagrante qu'entre deux frères ou deux soeurs...

"Comment s'appelle-t-il?"demanda-t-elle doucement tout en continuant de caresser les cheveux d'Emma.

Lorsque les bras de Kirinia se refermèrent autour d'elle, Emma sursauta. S'il y avait bien une chose à laquelle elle ne s'attendait pas, c'était qu'on lui témoigne autant d'affection... Et pourtant, elle en avait tant besoin ! La russe lui caressait les cheveux, murmurant des paroles qu'elle ne pouvait comprendre, et la fillette gardait le visage masqué par ses doigts tremblants.

Elle était passée des larmes à la colère, aux larmes de nouveau, puis à une indifférence feinte au fur et à mesure que le temps passait et qu'aucune lettre de Lusignan ne lui parvenait. Mais si elle continuait malgré tout à écrire, c'était qu'au fond, elle avait besoin de se raccrocher au seul semblant de famille qu'elle croyait avoir. Il y en avait pourtant plein d'autres, qu'elle écrivait et n'envoyait pas. Jusqu'à ce qu'elle craque et monte à la volière pour en expédier une nouvelle. Et le masque neutre qu'elle s'était forgée pour se protéger de la déception s'effilochait à chaque fois qu'elle réalisait que la dernière lettre écrite n'aurait encore une fois pas de réponse.

"Comment s'appelle-t-il?"

La serdaigle de troisième année releva doucement la tête, dévoilant son visage ravagé de larmes, et plongea ses yeux sombres dans ceux de son aînée. Un regard plein d'espoir. Si elle posait la question, était-ce parce qu'elle pensait le connaître ? Ou n'était-ce que pour la faire parler, la rassurer ? Elle hésita un instant, puis reposa ses prunelles bien trop brillantes sur son petit déjeuner laissé en plan, encore parcourue de sanglots qu'elle tentait de réprimer.

- Lu... signan... Caerwyn... Llewelyn... Ou peut-être Luca...

Il aurait sans doute fallu qu'elle explique pourquoi son nom de famille différait de celui qu'elle donnait pour son frère. Ou pourquoi elle hésitait entre Luca, et les prénoms donnés par leur père. Mais sa voix déjà faiblarde ne parvenait pas à ajouter quoi que ce soit. Blottie dans les bras de sa camarade, elle ferma les yeux, laissant de nouvelles larmes couler. Tout un tas de questions se bousculaient dans sa tête. Si Kirinia avait connu son frère, savait-elle s'il allait bien ? Et comment cela se passait-il pour lui ? Est-ce qu'il était toujours aussi doué que quand ils étaient petits ? Quelles étaient donc, parmi ce qu'elle avait cité, les matières qu'il préférait ? Et ce qui lui importait presque le plus finalement, est-ce qu'il pensait encore à elle parfois ? Est-ce qu'il portait les boucles d'oreilles qu'elle lui avait envoyées ? Sa main se porta au pendentif qu'il lui avait offert avant son départ pour Durmstrang, et son poing se crispa dessus. Elle craignait ce que Kirinia pouvait dire autant qu'elle désirait l'entendre parler...

La détresse d'Emma était perceptible dans chacun de ses sanglot, remuant le coeur de Kirinia. Celle-ci n'avait jamais eu personne à qui tenir autant. En était-elle jalouse? Non. Elle était juste touchée de cet amour qui liait une soeur et un frère. Elle aurait bien aimé pouvoir ressentir la même chose. Mais avec le père qu'elle avait, c'était compliqué... Elle plongea ses yeux bruns dans les yeux d'Emma lorsque celle-ci la regarda un instant avant de détourner les yeux. Visiblement, la jeune fille avait du mal à la regarder dans les yeux. Avec une infime précaution, une main de Kirinia quitta Emma pour s'approcher du visage de la jeune fille et le tourner doucement vers la Russe. Celle-ci, tendrement, essuya alors les larmes d'Emma.

"Je ne sais si c'est la même personne, mais c'est vrai qu'il y avait un Luca avec moi... Il avait un fort accent, entre l'anglais et l'italien..."commença-t-elle.

En y repensant, cependant, le jeune homme ne lui avait jamais parlé d'une soeur qu'il avait abandonné, mais il était vrai qu'ils n'avaient jamais été aussi proches qu'elle l'était en ce moment-même avec la troisième année... Ils s'entendaient pourtant bien, mais n'avaient jamais été intimes. Enfin bon... Elle ne rajouta rien, si ce n'est:

"As-tu une photo, même ancienne pour m'assurer qu'on parle bien du même?"

[me suis trompée de couleur dans les posts précédents...]

[C'est pas grave, hein ^^]

Un sursaut avait parcouru le corps de la fillette quand la russe avait posé une main sur son menton, relevant son visage vers elle. Non... C'était trop dur de croiser son regard. Elle redoutait tellement ce qu'elle y trouverait. Le visage à présent face à celui de Kirinia, elle gardait les yeux tournés sur le côté. Un fort accent disait-elle ? Entre l'anglais et l'italien ? Et ce prénom... Luca... Il l'utilisait encore alors ?

Kirinia lui demandait si elle avait une photo et un instant, le poing de la fillette se crispa un peu plus sur son pendentif. Puis elle ouvrit la main et dévoila ce que personne d'autre qu'elle n'avait vu jusque-là : la petite photo des deux frère et soeur qu'il renfermait. Emma avait dix ans à l'époque, Lusignan douze. Il avait sans doute changé...

- Je n'ai plus que ça... souffla-t-elle entre deux sanglots... Mais ça fait longtemps...

Elle leva le pendentif pour permettre à son aînée de mieux voir le portrait des deux enfants qu'il renfermait. Elle resta un moment silencieuse, hésitant à poser la question qui lui brûlait les lèvres. Kirinia n'avait rien dit sur le Luca qu'elle connaissait, ni comment il se comportait, ni ce qu'il aimait, encore moins les liens qui les unissaient, si ténus soient-ils. N'y tenant plus, elle releva de nouveau ses yeux sombres sur l'autre serdaigle, et elle put sans doute y lire tout l'espoir que renfermait sa question.

- Est-ce que... Est-ce que c'est lui ?... Est-ce qu'il va bien ?

Kirinia haussa légèrement les sourcils. Si Emma s'était laissée faire, elle continuait de détourner le regard. Mais pour quelle raison? Que voulait-elle cacher à Kirinia? La jeune Russe se posait bien des questions, mais, après tout, cela n'avait pas d'importance pour le moment. Elle finirait bien par découvrir la vérité et si ce n'était pas le cas, tant pis... Après tout, pourquoi se faisait-elle tant de soucis pour cette fille qu'elle connaissait à peine? (bonne question, en vérité^^) Elle eut, cependant, l'impression de la voir tréssaillir lorsqu'elle évoqua l'accent du jeune garçon. Elles n'avaient pourtant aucun preue qu'il s'agissait du même... Mais cela semblait, pourtant, faire autant de bien que de mal à Emma.

Elle sentit alors la fillette se crisper, serrant quelque chose dans sa main. Kirinia arqua un sourcil d'un air interrogateur. Elle ne tarda pas à découvrir ce que renfermait la main d'Emma. Un pendentif argenté avec un demi soleil en haut et une demi-lune en bas. Etrange bijou, mais qui ne manquait pas de valeur, sentimentale en tout cas... Elle regarda Emma l'ouvrir et lui dévoiler une photo. Celle d'une petite fille et d'un garçon à peine plus vieux. Ils semblaient heureux, tous les deux et particulièrement proches. L'émotion dans la voix d'Emma révéla plus sûrement que tous les aveux du monde à quel point elle tenait à ce bijou. La Russe eut même l'impression d'y deviner une peur de le perdre très forte. Sans doute la fillette serait-elle perdue si elle l'égarait. Intérieurement, Kitty se promit de soutenir la jeune fille si quelqu'un de mal intentionné se prenait à avoir cette mauvaise idée.

- Je n'ai plus que ça... souffla-t-elle entre deux sanglots... Mais ça fait longtemps...

Elle détailla ensuite la photo. Oui, l'enfant dessus avait dû changer. Mais elle se souvenait encore comme si c'était hier de sa première rentrée à Durmstrang. Elle se souvenait également de cet étranger perdu qui avait débarqué en ne parlant pas un mot de russe, un peu comme elle l'anglais lorsqu'elle était arrivée à Poudlard. Elle se souvenait de son soulagement lorsqu'elle lui avait parlé en italien, le même que celui qu'elle avait ressenti lorsqu'elle avait entendu quelqu'un parler russe, mais aussi italien et lorsqu'elle avait entendu Emma lui parler italien. Elle fut alors interrompue dans le flot de ses pensées par Emma qui, finalement, lui posait la question qui avait tant de mal à sortir.

- Est-ce que... Est-ce que c'est lui ?... Est-ce qu'il va bien ?

Kirinia aurait pu entretenir le silence, laisser Emma dans le doute. C'est sans doute ce qu'elle aurait fait si elle n'avait pas pris la jeune fille en affection.

"Il a changé, mais oui, il me semble bien que c'est lui..."dit-elle lentement.

Quand Kirinia lui avait pris le menton, et qu'elle n'avait pas pu croiser de suite son regard, Emma ne s'était pas doutée un instant de ce que son comportement induirait dans l'esprit de la russe. D'ailleurs, en cet instant, elle ne réalisait pas encore à quel point il était surprenant que la slave prenne autant soin d'elle. Son cerveau d'enfant ne retenait qu'une chose : cette jeune fille était peut-être la seule personne qui pourrait lui donner des nouvelles de son frère, et elle mourrait d'envie de lui poser encore une foule de questions. Les similitudes, pourtant encore vagues entre Luca et ce camarade à l'accent étrange dont la russe avait parlé, ravivaient depuis quelques minutes un espoir qu'elle avait cru éteint à jamais, et si elle ne le réallisait pas encore, cela signifiait aussi que la chute n'en serait que plus rude encore.

L'aînée observait à présent la petite photo que renfermait le pendentif, et la plus jeune la dévisageait avidement. Dans son regard, dans l'expression de son visage, elle cherchait à déceler le moindre indice sur son Soleil. Si elle l'avait su, elle aurait été touchée par les pensées de Kirinia, qui se promettait de la soutenir quoi qu'il arrive, elle aurait sans doute fondu en larmes si elle avait pu visualiser les souvenirs de la russe sur sa première année. Elle avait fini par formuler les premières questions qui tourbillonnaient dans son esprit, et attendait avec appréhension la réponse de sa camarade. Et lorsque celle-ci lui répondit, ses yeux s'embuèrent encore de larmes, comme s'ils n'en avaient pas déjà suffisamment déversés.

"Il a changé, mais oui, il me semble bien que c'est lui..."

La fillette lâcha sans vraiment s'en rendre compte le pendentif et porta les mains à sa bouche, étouffant un cri. Il était toujours vivant, il allait sans doute bien, sinon, la russe ne l'aurait pas dit comme ça, non ? Il y avait un certain soulagement dans son regard. Un instant seulement. S'il allait bien, si comme Kirinia, il avait eu une scolarité tout ce qu'il y a de plus normale dans cette école si loin, pourquoi est-ce qu'il ne lui répondait jamais ? Elle ferma les yeux, et baissa la tête.

- Pourquoi ? souffla-t-elle d'une voix à peine audible. Pourquoi est-ce qu'il ne me répond jamais ?

Ses petites mains se referèrent encore sur son pendentif encore ouvert, et elle resta un instant silencieuse, avant de rouvrir les yeux, regardant à son tour la photo. Elle prit une profonde inspiration avant de demander encore, en tremblant.

- Est-ce qu'il portait des boucles d'oreilles ? De petits soleils avec des rayons ondulés en argent ?

Elle savait que c'était idiot de s'attacher à ce détail, mais elle ne pouvait pas s'empêcher de s'y raccrocher. Dans son esprit de fillette, c'était tout ce qu'il lui restait...

Après avoir répondu à Emma, Kirinia s'était absorbée à nouveau dans ses pensées, repensant à la première fois en dehors de la cérémonie où ils s'étaient réellement parlés. On pouvait dire qu'ils avait été copains. Amis, elle n'irait pas jusque là, mais ils avaient toujours eu de bons rapports. Au début, jusqu'à ce qu'il parle russe, elle lui avait servi de guide. Il fallait avouer qu'elle était la seule à parler italien et donc à pouvoir l'aider à prendre les cours, et à se diriger dans l'école. Chose curieuse, il ne lui avait jamais appris l'anglais. Mais il était vrai qu'il ne le parlait jamais, comme s'il avait honte de cette langue. Quand elle lui avait demandé d'où il venait, il avait glissé rapidement sur ses origines anglaises avant de tout de suite parler de l'Italie. A ce souvenir, la jeune fille fronça les sourcils.

"Dis-moi Emma... Sais-tu pourquoi il semblait avoir honte de ses origines anglaises? Il n'a jamais parlé anglais à Durmstrang... Et il évitait soigneusement tout ce qui se rapportait à cette partie de sa vie, comme s'il en avait honte..."

Elle marqua un temps de silence pendant lequel elle observa sa cadette. Celle-ci avait encore pleuré lorsqu'elle lui avait répondu. Elle avait vraiment les nerfs à fleur de peau... C'en était presque inquiétant... Elle vit alors Emma lacher son pendentif pour porter ses mains à sa bouche. Du soulagement? De l'inquiétude? Un mélange des deux? Quoiqu'il en soit, la chrysalide lacha le pendentif qui revint doucement sur la peau d'Emma.

- Pourquoi ? Pourquoi est-ce qu'il ne me répond jamais ?

"Je ne sais pas Emma. Il était très secret à ce niveau là... Il n'a jamais parlé de quelqu'un autre que sa mère... Il cachait tout ce qui n'était pas l'Italie. Qu'avez-vous vécu qui puisse expliquer cela?"

Elle avait posé sa dernière question d'une voix très douce. Elle savait que c'était une question intime. Lorsque quelques jours avant son départ il avait abordé le sujet de son père, elle avait éludé la question. Ils n'étaient pas assez intimes. Pourtant...

- Est-ce qu'il portait des boucles d'oreilles ? De petits soleils avec des rayons ondulés en argent ?

"Non, il ne portait pas de boucles d'oreilles. Par contre..."

Elle dégagea un pendentif qui ressemblait comme deux gouttes d'eau à la description des boucles d'oreilles. Il n'y avait pourtant qu'un seul exemplaire de ce qu'Emma venait de décrire.

"Il m'a confié ça avant mon départ. Je n'avais pas compris pourquoi, mais je pense savoir maintenant... En dessous de la 6e année, les garçons n'ont pas le droit de porter de bijoux... Il cachait religieusement ce pendentif et son jumeau à une chaine et il m'en a confié un. Je suppose qu'il les a mis en pendentifs pour pouvoir les garder et que s'il m'en a confié un, c'était pour toi..."

Elle enleva le collier, comme à regret et le tendit à Emma. Ils avaient failli devenir proches avant son départ, mais cela ne s'était finalement pas fait. A ce moment-là, Kirinia avait cru que c'était pour qu'elle ne l'oublie pas qu'il lui avait donné ça, mais, visiblement, ce devait être pour sa soeur, pour lui prouver qu'il ne l'oubliait pas... C'était, du moins, l'avis de Kirinia sur le sujet...

Elle avait attendu les réponses de son aînée avec autant d'impatience et d'appréhension que possible, avec une pointe d'espoir aussi, comme si - peut-être - son absence de réponse venait du fait qu'on l'avait empêché de le faire... Elle n'avait aucune idée de la relation que Kirinia et Luca avaient, les souvenirs de la russe de ses premières années étaient pour Emma parfaitement inconnus, et elle tentait d'imaginer son frère avec quelques années de plus, sans succès. Chaque fois qu'elle pensait à lui, c'était le visage de cette photo qui s'imposait à son esprit, et sans doute serait-elle surprise de le trouver changé à présent, comme la russe le laissait supposer.

"Dis-moi Emma... Sais-tu pourquoi il semblait avoir honte de ses origines anglaises? Il n'a jamais parlé anglais à Durmstrang... Et il évitait soigneusement tout ce qui se rapportait à cette partie de sa vie, comme s'il en avait honte..."

A ces mots, ses petits doigts, qui étaient toujours refermés autour de son pendentif, semblèrent se crisper un instant, comme son regard s'assombrissait encore. Ca ne répondait pas du tout à ses questions, ça, mais ça ne surprenait guère la fillette. Comme elle, donc, il avait renié tout ce qui touchait à leur père. La russe poursuivait sur sa lancée, et la fillette l'écouta attentivement, bien qu'elle gardât les yeux fixés sur la photo.

"Je ne sais pas Emma. Il était très secret à ce niveau là... Il n'a jamais parlé de quelqu'un autre que sa mère... Il cachait tout ce qui n'était pas l'Italie. Qu'avez-vous vécu qui puisse expliquer cela?"

Une fois encore, Emma dut prendre une profonde inspiration avant de parler, comme pour s'en donner le courage. C'était peut-être ridicule ce qu'elle allait dire, mais face à Kirinia, elle se sentait un peu moins mal à l'aise que face aux autres, sans doute parce qu'elle connaissait son frère...

- Notre père est britannique, maman est italienne, et nous sommes nés au Pays de Galles. On parle tous les deux les trois langues, mais le gallois, c'était juste entre nous, et l'italien, c'est pour maman. Notre père...

Elle referma le pendentif et le fit glisser sous son vêtement. La chaîne était bien assez longue... Nul doute qu'elle pourrait le porter encore des années, même une fois devenue adulte. Elle garda un instant une main posée sur le médaillon, à travers le tissu.

- C'est un idiot, un coureur de jupons qui a trompé maman et fait tout pour l'embêter. Il veut absolument conserver ma garde alors qu'il n'en a rien à faire de moi ! Luca n'aimait pas sa façon de m'ignorer constamment quand on était petits... S'il voyait comment c'est maintenant, avec sa pimbêche !

Elle eut un petit reniflement plein de mépris, chose étrange pour une fillette aussi peu sûre d'elle jusque-là. Il fallait vraiment que les relations avec son père et sa belle-mère soient des plus tendues pour qu'elles induisent une réaction aussi vive d'une enfant si discrète d'ordinaire...

Quand Kirinia lui répondit enfin au sujet des boucles d'oreilles, la déception de la galloise dut se voir sur son visage... Il ne portait pas son cadeau... Est-ce qu'il la mettait à présent au même niveau que leur père ? Tout mais pas ça ! Elle n'avait rien à voir avec cet imbécile, elle avait même choisi de ne plus porter son nom ! La déception, donc, puis la colère purent se lire sur son visage à mesure que ses pensées défilaient, et puis elle pâlit, et resta figée devant le pendentif que la russe dévoilait.

"Il m'a confié ça avant mon départ. Je n'avais pas compris pourquoi, mais je pense savoir maintenant... En dessous de la 6e année, les garçons n'ont pas le droit de porter de bijoux... Il cachait religieusement ce pendentif et son jumeau à une chaine et il m'en a confié un. Je suppose qu'il les a mis en pendentifs pour pouvoir les garder et que s'il m'en a confié un, c'était pour toi..."

Il les avait gardés. Il n'avait pas le droit de les porter, mais il les avait gardés... De nouvelles larmes perlèrent aux coins de ses yeux - comme si elle n'avait pas déjà assez pleuré ! - autant de joie de savoir qu'il y avait encore un petit quelque chose que de colère, car cela signifiait qu'il avait bien reçu toutes ses lettres, mais n'avait jamais daigné y répondre. Et il avait confié un de ces soleils à Kirinia... Elle semblait vouloir dire que c'était parce qu'il savait qu'elle allait pouvoir le lui donner. Mais est-ce que ça n'était pas juste pour elle ? Il appréciait sans doute beaucoup la jeune fille qu'était Kirinia, et puis elle était très jolie... Quand elle vit son aînée retirer la chaîne à contrecoeur, Emma arrêta son geste d'une main tremblante, plongeant ses yeux sombres dans ceux de la russe.

- Garde-le... S'il te l'a confié, c'est qu'il tenait aussi beaucoup à toi, enfin je crois. Et savoir qu'il a gardé mon cadeau et qu'il pense encore un petit peu à moi, ça me suffit. On aura chacune un souvenir de lui comme ça...

La fillette baissa de nouveau la tête, plaquant ses mains sur sa poitrine à l'endroit où le médaillon était dissimulé. S'il y avait encore quelque chose entre elle et son frère, si Kirinia avait ravivé la petite lueur d'espoir qui s'était presque éteinte ces dernières années, elle rouvrait aussi une blessure que la galloise avait crue refermée. Pourquoi, songeait-elle encore comme si cette question devait toujours revenir, pourquoi ne répondait-il jamais ? Maman lui avait dit qu'elle, elle n'avait plus le temps de rien, et qu'elle essaierait de lui écrire encore de temps en temps, mais que ça serait difficile... Ses lettres étaient de plus en plus espacées, d'ailleurs, la dernière datait du printemps, et n'avoir pas de nouvelle de Luca, et être obligée de supporter son père et sa belle-mère tout l'été, c'était difficile pour la petite fille. Même juste un petit soleil, comme elle le lui avait demandé il y a quelques années, juste qu'elle sache qu'il pensait encore à elle, ça lui aurait suffi... Et même si elle le savait à présent, qu'il pensait encore à elle, elle aurait bien eu besoin de se raccrocher à quelques petits mots de sa part, pendant tout ce temps où elle s'était sentie complètement seule...

Kirinia observait Emma. Elle ne disait mot. Elle savait l'effet que de telles révélations pouvaient faire, à posteriori. Après tout, c'était quelques mois plus tôt à peine que sa mère lui avait expliqué pourquoi elle avait voulu l'envoyer à Poudlard dès sa première année. La jeune Russe en avait été très affectée. Sa mère avait voulu faire cela pour son bien, et elle, elle avait refusé, préférant retrouver la lettre de Durmstrang pour rester en Russie. Saint Petersbourg lui manquait. Krum aussi. Mais il n'était pas le seul, à lui manquer. Elle en était d'ailleurs surprise.

*C'est marrant, je n'avais jamais pensé à lui, avant aujourd'hui...*songea-t-elle, surprise.

Elle vit les doigts d'Emma se crisper sur le pendentif, tandis que son visage s'assombrissait et se durcissait. Kirinia fronça les sourcils. Etait-ce si grave ce qu'elle venait de dire? Il fallait croire que oui, vu le temps qu'il fallut à Emma pour lui répondre. Kirinia ouvrit la bouche pour lui dire de ne pas se forcer quand la voix de la fillette retentit telle un murmure.

- Notre père est britannique, maman est italienne, et nous sommes nés au Pays de Galles. On parle tous les deux les trois langues, mais le gallois, c'était juste entre nous, et l'italien, c'est pour maman. Notre père...

La voix de la fillette, bien que faible, était amère. Visiblement, elle n'aimait pas son père. Mais elle enchaina rapidement avant d'expliquer pourquoi elle parlait l'italien. Kirinia acquiesça. Elle crut qu'Emma allait suspendre son explication lorsqu'elle marqua une hésitation et referma son pendentif. Mais non. Elle ne tarda pas à reprendre:

- C'est un idiot, un coureur de jupons qui a trompé maman et fait tout pour l'embêter. Il veut absolument conserver ma garde alors qu'il n'en a rien à faire de moi ! Luca n'aimait pas sa façon de m'ignorer constamment quand on était petits... S'il voyait comment c'est maintenant, avec sa pimbêche !

Kirinia comprit soudainement pourquoi Luca avait voulu oublier l'Angleterre. Mais cela n'expliquait pas qu'il eut voulu oublier sa soeur. En tout cas, pas pour Kirinia. Elle aussi, elle avait voulu oublier son père... Mais pour rien au monde, elle n'aurait renié ses origines italiennes...

"Je comprends un peu sa réaction vis à vis de votre père. Le mien est un peu pareil... A une différence près. Le mien était moldu. Ma mère sorcière. Ma mère se croyait seule et a utilisé la magie. Mon père l'a surprise et est tombé amoureux d'elle. Il était fasciné par ça. Aussi, quand je suis née, ma mère a-t-elle décrété que jamais plus elle n'utiliserait la magie. Mon père a commencé à la frapper. Et ensuite, quand j'ai été assez grande, il a fait la même chose avec moi. J'avais peur de mon père..."

La jeune Russe marqua un temps de silence et poussa un petit soupir avant de reprendre:

"Et puis un jour, en défense, j'ai utilisé la magie. Il s'est arrêté sur le coup, une lueur d'amour dans le regard. Et il a commencé à me traiter en princesse. De ce jour-là, je l'ai méprisé. Ma mère s'est rendue compte de ce qu'il s'était passé toutes ces années et a divorcé. J'avais 9 ans quand il a quitté la maison."

Kirinia, pour la première fois, baissa la tête. Elle avait honte de son père. Tellement honte...

"Et puis j'ai reçu deux lettres. Une pour Poudlard, une poour Durmstrang. Ma mère voulait que j'aille à Poudlard et moi, à Durmstrang. J'ai finalement eu gain de cause. J'y étais bien... Pas trop loin de ma mère à apprendre la magie... Et puis mon père a réussi à pénétrer dans l'enceinte de l'école. Et ma mère m'a fait envoyer ici."

Elle se tut. Elle aurait été bien en peine de dire quelle avait été la réaction de la troisième année. Elle redressa la tête. La fillette avait l'air réellement déçue qu'il ne les porte pas. Pourtant, malgré l'interdit il les portait, contre son coeur. Et puis, elle lui avait tendu le collier avec l'une des boucles d'oreille de Luca. Kirinia vit alors pâlir la jeune fille.

"Ca va?"demanda-t-elle, inquiète.

Kitty vit pleurer à nouveau Emma. Pourquoi? Elle aurait bien été en peine de le dire... L'émotion? De la colère? De la joie? De la tristesse? Quoiqu'il en soit, la Russe fut surprise de voir Emma arrêter son geste. Mais plus encore lorsqu'elle la vit la fixer intensément, elle qui d'ordinaire détournait toujours le regard.

- Garde-le... S'il te l'a confié, c'est qu'il tenait aussi beaucoup à toi, enfin je crois. Et savoir qu'il a gardé mon cadeau et qu'il pense encore un petit peu à moi, ça me suffit. On aura chacune un souvenir de lui comme ça...

"Tu es sûre?"demanda-t-elle en repassant la chaine à son cou.

Elle observa la jeune fille avec elle qui venait, à nouveau, de baisser la tête. A quoi pensait-elle en cet instant? Regrettait-elle de lui avoir laissé le collier? Se demandait-elle ce qu'il s'était passé entre Kirinia et Luca? Se demandait-elle ce qu'il devenait et pourquoi elle n'avait pas de nouvelles? Pensait-elle à son père? A sa mère? A ce que Kirinia venait de lui dire?

"Tu veux lui écrire?"demanda Kirinia.

Elle avait complètement oublié le petit déjeuner qui refroidissait. La salle commençait d'ailleurs à se remplir, sans qu'elle n'y prête la moindre attention, d'ailleurs...

Emma n'avait pas réalisé que Kirinia avait failli l'interrompre. Elle avait expliqué brièvement les liens qui existaient dans sa famille, plutôt tendus, en effet. Si Luca n'avait pas parlé de tout cela à la russe, la fillette en déduisait qu'il avait fait une croix dessus, ce qu'elle comprenait tout à fait. Par contre, elle ne comprenait pas, et souffrait d'ailleurs de le savoir, pourquoi il avait tâché de masquer son existence.

- Je ne suis pas comme lui, souffla-t-elle plus pour elle-même qu'autre chose.

Son aînée avait décidé à son tour de se livrer aux confidences, et la galloise la dévisagea un instant, comme elle mémorisait tout ce qu'elle lui disait.

"Je comprends un peu sa réaction vis à vis de votre père. Le mien est un peu pareil... A une différence près. Le mien était moldu. Ma mère sorcière. Ma mère se croyait seule et a utilisé la magie. Mon père l'a surprise et est tombé amoureux d'elle. Il était fasciné par ça. Aussi, quand je suis née, ma mère a-t-elle décrété que jamais plus elle n'utiliserait la magie. Mon père a commencé à la frapper. Et ensuite, quand j'ai été assez grande, il a fait la même chose avec moi. J'avais peur de mon père..."

Ses yeux s'agrandirent d'effroi. A son sens, c'était pire encore que ce qu'avait fait son père à elle. S'il n'avait jamais témoigné de la moindre affection pour elle, au moins ne la frappait-il pas... La russe poursuivait, sans, sans doute, réaliser la terreur qui habitait le regard de sa cadette. Et l'élan de compassion aussi qui l'emplissait envers la seule personne qui lui eut témoigné quelque égard jusque-là.

"Et puis un jour, en défense, j'ai utilisé la magie. Il s'est arrêté sur le coup, une lueur d'amour dans le regard. Et il a commencé à me traiter en princesse. De ce jour-là, je l'ai méprisé. Ma mère s'est rendue compte de ce qu'il s'était passé toutes ces années et a divorcé. J'avais 9 ans quand il a quitté la maison."

Kirinia avait baissé la tête. Pourquoi ? C'était à lui de baisser les yeux, pas à elle ! C'était un monstre encore plus impardonnable que son propre père, c'était tout dire ! Elle n'osait pas, pourtant, avouer tout haut ses pensées, de peur de paraître rude. Ou ridicule... Ou tout autre chose. SIlencieuse, elle écouta encore attentivement sa camarade.

"Et puis j'ai reçu deux lettres. Une pour Poudlard, une poour Durmstrang. Ma mère voulait que j'aille à Poudlard et moi, à Durmstrang. J'ai finalement eu gain de cause. J'y étais bien... Pas trop loin de ma mère à apprendre la magie... Et puis mon père a réussi à pénétrer dans l'enceinte de l'école. Et ma mère m'a fait envoyer ici."

Elle croisa finalement le regard que Kirinia reposait sur elle. Qu'y lisait-elle ? Elle l'ignorait, mais quant elle avait aperçu le pendentif et que ses yeux s'étaient à nouveau embués, elle avait entendu comme provenant de très loin son aînée lui demandait comment elle allait. Elle n'avait pas répondu à cette question, et lui avait juste demandé de garder le collier qu'elle portait jusque-là. Ce qu'elle lui avait dit, elle le pensait. Mais elle avait tû la pointe de jalousie qui naissait dans son coeur. Est-ce que Luca lui préférait Kirinia ? C'était possible après tout, c'était une jolie jeune fille, du même âge que lui... Ellle était presque sûre qu'il s'était amouraché d'elle... Et si d'un côté, elle était contente qu'il s'agisse d'elle, parce que c'était au moins quelqu'un de gentil avec elle, elle en était quelque peu jalouse. Quelque part, elle sentait que Kirinia lui avait volé son frère, et même si elle se récriait de ces pensées qu'elle ne voulait pas même s'avouer, elles planaient malgré tout sur son esprit.

"Tu es sûre?"

Kirinia semblait réaliser à quel point ce présent était important pour elle, et là encore, elle songea que Luca avait bien choisi. Si elle devait avoir une belle-soeur, elle préférait amplement que ce soit quelqu'un comme sa camarade Serdaigle, que comme sa belle-mère...

"Tu veux lui écrire?"

Emma releva ses yeux sombres pour croiser le regard interrogateur de son aînée. Oui, comme d'habitude... Elle en mourrait d'envie à chaque heure de la journée, mais se réfrénait parce qu'elle était sûre jusque-là que ses missives n'étaient pas les bienvenues.

- C'est ce que je fais régulièrement, mais je ne sais pas s'il apprécie vraiment ça, vu que je n'ai jamais de réponse. Est-ce que... Est-ce que tu crois que je peux ? Ca va sans doute encore l'embêter...

Le petit déjeuner froid, c'était le cadet de ses soucis à présent. Grossière erreur pour une jeune fille en pleine croissance, mais pour l'heure, elle n'en avait cure. Elle attendait seulement avec impatience la réponse de la russe pour savoir quoi faire...

Emma ne s'en rendait peut-être pas compte, mais Kirinia observait chacun de ses réactions. Aussi, la Russe vit-elle la douleur qui se dessinait sur le visage de celle qu'ele considérait déjà comme son amie. Malgré les quatre années qu'elle avait déjà passé à Durmstrang, elle n'avait jamais été proche de quelqu'un, mis à part Krum, peut-être, au point de lui faire autant de confidences. Elle avait pourtant toujours été une oreille attentive pour ses amis. Mais elle était quelqu'un de renfoermé malgré lesapparences. Aussi, quand son tour était venu de parler, cela avait-il été très difficile pour elle. D'autant que ç'avait été la cause de sa fuite de Russie....

- Je ne suis pas comme lui, fit Emma en interrompant le flot des pensées de Kirinia.

De cela, la jeune fille ne doutait pas. Mais la question qu'elle se posait, c'était: qui était ce "lui"? Etait-ce Luca ou bien leur père? La jeune russe préféra ne pas poser la question. Cela, seule Emma le savait. C'était comme si elle avait pensé tout haut. Et si Emma était comme son frère, mieux valait ne pas interrompre le fil de ses pensées...

La Russe s'était sentie dévisage lorsqu'ele avait parlé. Mais cela ne l'avait pas stoppée. Bien au contraire. Se confier pour la toute première fois de sa vie lui avait fait du bien. Une larme de soulagement avait même glissé sur sa joue tandis qu'elle épenchait son coeur. Bien sûr que Kirinia avait vu l'effroi dans le regard de la jeune fille. Mais elle avait refusé de s'interrompre. Emma lui avait fait confiance, à elle de faire de même..

Et puis Kirinia avait baissé un instant la tête, ayant toujours aussi honte de s'êtrelaissée faire par son père. Mais, rapidement, elle avait levé la tête. Et son regard n'exprimait que mépris envers celui qui l'avait privée de son pays. Mais aussi de la détermintation. Celle d'y retourner un jour. Celle de revoir les siens... Et puis elle avait demandé à Emma comment celle-ci se sentait. La Russe ne savait plus, maintenant, si elle lui avait posé la question pour le pendentif ou à cause de ses aveux. De leurs aveux réciproques. Mais quelle importance? Emma ne répondit pas. En cet instant, Kirinia était incapable de penser à quoi que ce soit d'autre qu'à la haine qu'elle éprouvait pour son père. ses traits se firent d'une dureté presque inimaginable sur ses traits d'ordinaire si doux lorsqu'elle lacha:

"Mais je retournerai là-bas. Il ne me privera pas de mes racines..."

Mais bien vite, la Serdaigle était revenue à la réalité et ses traits étaient redevenus ceux qui étaient les siens en temps normal. Elle avait emandé à son amie si elle voulait écrire à son frère. Elle-même avait à lui écrire. A s'expliquer sur ce qu'il s'était passé. Elle avait tant de choses à dire...

- C'est ce que je fais régulièrement, mais je ne sais pas s'il apprécie vraiment ça, vu que je n'ai jamais de réponse. Est-ce que... Est-ce que tu crois que je peux ? Ca va sans doute encore l'embêter...

"La prochaine, nous l'écrirons ensemble."fit-elle simplement.

"Mais je retournerai là-bas. Il ne me privera pas de mes racines..."

Emma dévisagea un instant son aînée, surprise un instant de la dureté de ses traits comme elle prononçait ces mots. Et puis en une fraction de seconde, son visage redevint doux, comme lorsqu'elle consolait tantôt la galloise. Et elle lui demandait si elle voulait écrire à son frère, et se proposait même de le faire avec elle.

"La prochaine, nous l'écrirons ensemble."

La fillette leva vers elle de grands yeux interrogateurs, presque implorants.

- C'est vrai ? Tu veux bien qu'on lui écrive toutes les deux ?

Elle sembla un instant songeuse, mais soulagée à la fois. Elle redoutait de devoir encore perdre espoir de recevoir une réponse après avoir cédé à l'envie d'envoyer un pli à son frère, mais il lui semblait que si Kirinia était avec elle, non seulement l'attente serait moins difficile, mais encore, elle était presque sûre qu'elle aurait ainsi une réponse plus facilement. Ou peut-être n'était-ce encore que de faux espoirs, mais pour l'heure, cela lui faisait du bien de se dire qu'elle ne serait plus toute seule pour ça. Cependant il lui restait une question en tête. Jusque-là, elle avait toujours utilisé le gallois avec Luca, et l'italien avec maman. Mais Kirinia ne parlait pas gallois. Et elle, elle ne parlait pas russe. Alors est-ce qu'il valait mieux écrire en italien ? C'est ce qui lui semblait le plus judicieux, et elle hocha la tête comme pour confirmer ses pensées.

- On lui écrira en italien alors... Enfin sauf si t'as des trucs secrets à lui dire, t'auras qu'à les écrire en russe... T'es sûre que ça t'embête pas ?

Voilà, ça revenait à la charge, et ses joues rosées témoignaient une fois de plus de sa gêne. Si ça se trouve, la grande n'avait dit ça que pour la rassurer et elle le regretterait...

- Faut pas te sentir obligée, hein ?